Les Kurdes de Turquie privés de candidats

mis à jour le Jeudi 21 avril 2011 à 17h53

Lefigaro.fr

Un veto des juges avant les législatives provoque un regain de tension.

La Turquie a du mal à s'appliquer les conseils démocratiques qu'elle prodigue aux pays arabes secoués par des révoltes. Le Haut Conseil électoral (YSK) a déclaré lundi inéligibles sept candidats soutenus par le parti pro-kurde (Parti pour la paix et la démocratie, BDP) pour les législatives qui auront lieu le 12 juin en Turquie.

Le veto des juges met en danger la précaire intégration des Kurdes dans la vie politique alors que le conflit entre l'État et les rebelles du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui dure depuis 1984 n'est toujours pas réglé. «C'est un grave coup porté contre la démocratie, déjà faible», a dénoncé Selahattin Demirtas, coprésident du BDP. L'éviction des représentants kurdes pourrait conduire à un boycott des élections, a-t-il menacé.

La décision des autorités électorales s'est aussitôt traduite par un regain de tensions. Dès mardi, de violents affrontements dans l'est du pays, à majorité kurde, ont éclaté entre manifestants et forces de l'ordre. Mercredi, la situation s'est envenimée après qu'une personne a été tuée, par des tirs de la police selon le BDP, au cours d'une manifestation à Diyarbakir, la «capitale» kurde, qui a fait deux autres blessées. Le Haut Conseil a motivé son interdiction par le manque de documents officiels requis pour participer aux élections et les condamnations de plusieurs candidats pour activités terroristes ou liens avec le PKK. Parmi les sept politiciens écartés figurent notamment deux députés et Leyla Zana, égérie de la cause kurde, qui s'apprêtait à faire son retour sur les bancs de l'assemblée. Élue députée en 1991, elle avait bravé l'interdiction de parler le kurde en s'exprimant dans la langue de son peuple lors de sa prestation de serment au Parlement. Ces quelques mots lui avaient valu de passer dix ans en prison de 1994 à 2004.

Une réévaluation des dossiers

La déclaration d'inéligibilité a été condamnée par la majorité des partis politiques, inquiets des risques de révoltes dans les provinces kurdes. Même Mehmet Ali Sahin, président de l'Assemblée nationale et membre du parti au pouvoir, l'AKP l'a critiquée: «Cette décision affaiblit la mission du Parlement.» Elle pénalise un peu plus la représentation politique de la formation pro-kurde. En Turquie, un parti doit dépasser la barre électorale de 10% pour être autorisé à siéger au Parlement. Ce seuil, taillé sur mesure pour limiter la présence kurde sur la scène nationale, selon ses détracteurs, contraint déjà le BDP à présenter des candidats indépendants.

Mercredi, les candidats écartés ont fait appel et face au tollé provoqué par sa décision, le Haut Conseil a annoncé une réévaluation des dossiers ce jeudi.