Le tourisme visé par les séparatistes kurdes

En Turquie, une série d'attentats a fait trois morts et une cinquantaine de blessés


Mardi 29 août 2006 - Par Marc SEMO
Une explosion a fait au moins trois morts et une vingtaine de blessés hier dans la station touristique d'Antalya (sud-ouest de la Turquie). La veille, des attentats à la bombe avaient frappé Marmaris, autre localité touristique, faisant une vingtaine de blessés.
Ils ont été revendiqués par les Faucons pour la liberté du Kurdistan (TAK), petit groupe rebelle kurde qui avait annoncé, comme l'an dernier, une campagne de bombes contre le secteur touristique turc, appelant les étrangers à s'abstenir de venir dans le pays.

Les TAK seraient, selon les autorités, une émanation du PKK, (Parti des travailleurs du Kurdistan, indépendantiste) d'Abdullah ÷calan, arrêté en 1999 et condamné à la prison à vie. Ce mouvement est également considéré comme terroriste par l'Union européenne et les Etats-Unis.

En juillet 2005, cinq personnes, dont une adolescente irlandaise et une Britannique, avaient perdu la vie dans l'explosion d'une bombe dans la station balnéaire de Kusadasi (ouest). A Antalya, l'explosion a eu lieu hier après-midi dans un café-restaurant en face d'un souk. La veille, trois bombes explosant quasi simultanément avaient fait 21 blessés, dont 10 Britanniques. Dimanche en fin de journée, à Istanbul, l'explosion d'un colis piégé dans la partie européenne de la première ville du pays avait fait 6 blessés.

Durcissement

Ces attentats, réalisés avec un type d'explosif souvent utilisé par les séparatistes kurdes, reflètent un nouveau durcissement de la rébellion kurde. Depuis le début de l'été, les accrochages sont devenus quasi quotidiens dans le Sud-Est anatolien à majorité kurde, et, depuis le début de l'année, ont coûté la vie à une centaine de combattants du PKK ainsi qu'à 66 gendarmes et soldats. L'aviation turque a bombardé à la fin de la semaine dernière des bases du PKK en Irak du Nord. Au moins 5 000 combattants de la rébellion kurde retranchés dans ces montagnes ont repris leurs opérations dans le territoire turc depuis l'automne et la fin du cessez-le-feu unilatéral proclamé par Abdullah ÷calan après son arrestation en 1999. Lancée en 1984, la «sale guerre» entre les rebelles kurdes du PKK et les forces de l'ordre a fait plus de 37 000 morts. Même restant à un niveau de faible intensité, ce conflit risque de compliquer la marche turque vers l'UE.

«La question kurde constitue l'obstacle majeur dans le processus de démocratisation. C'est ce qui bloque la pleine mise en oeuvre des réformes et ce qui pourrait servir de prétexte à une reprise en main autoritaire», 
s'inquiète Baskin Oran, professeur de sciences politiques à Ankara. Quelque 15 millions de Kurdes vivent en Turquie sur une population de 71 millions d'habitants. Sous la pression de Bruxelles, des réformes ont légalisé les droits culturels des minorités, dont l'emploi de la langue kurde dans les médias. Ces changements sont jugés insuffisants par une partie de la population kurde, notamment dans le sud-est du pays. En avril dernier, des violentes émeutes avaient éclaté à Diyarbakir, et les manifestants, dont de nombreux adolescents, criaient des slogans demandant la libération d'÷calan.

Main de fer

Le leader du PKK continue du fond de sa prison à diriger d'une main de fer ce qui reste de son organisation. En montrant son pouvoir de nuisance, il espère s'imposer comme l'incontournable interlocuteur de toute solution de la question kurde en Turquie, bien que l'Etat refuse toute négociation avec les «terroristes». Il préfère miser sur la politique du pire. En juin, les députés ont adopté une nouvelle loi élargissant l'éventail des crimes susceptibles d'être qualifiés d'actes terroristes et introduisant des restrictions supplémentaires à l'activité des médias. Un texte qui revient en arrière sur bon nombre des réformes des dernières années.

http://www.liberation.fr/actualite/monde/201006.FR.php