Le procès de Saddam Hussein

NOUVELOBS.COM | 28.11.05 |
Info Au menu : le massacre de Doujaïl. Les avocats de l'ex-raïs devraient demander une nouvelle suspension d'audience après l'assassinat de deux des leurs.

Après une interruption de cinq semaines, le procès de Saddam Hussein reprend lundi 28 novembre. Mais ses avocats devraient chercher à obtenir de nouveau une suspension, plus longue cette fois, dans le cadre d'une procédure judiciaire menacée par les troubles actuels en Irak et ternie par l'assassinat de deux avocats de la défense depuis la session d'ouverture, le 19 octobre dernier.
Les premiers témoins de l'accusation devraient être appelés à la barre du Tribunal spécial irakien (TSI) pour donner leur version du massacre de Doujaïl, ville chiite où 143 personnes furent tuées en 1982, en représailles à une tentative d'assassinat manquée contre l'ancien raïs.

Photo: Saddam Hussein écoute le juge d'instruction (AP)

Accusés d'assassinats et de torture dans cette affaire, Saddam Hussein, 68 ans, et sept anciens dignitaires de son régime risquent tous la peine de mort par pendaison.

Incertitudes

Toutefois, de nombreuses incertitudes planent sur la reprise du procès, notamment la durée de la session, le nombre de témoins appelés à la barre et le fait de savoir si leurs identités seront rendues publiques. De nombreux éléments n'ont pas été annoncés à l'avance pour des raisons de sécurité, dans le climat de violences qui règne actuellement en Irak, alimenté notamment par des partisans de l'ancien dictateur irakien.
Par exemple, les témoins ont la possibilité de témoigner derrière des écrans pour préserver leur anonymat. Les autorités judiciaires ne révéleront même pas le nombre de témoins figurant sur la liste de l'accusation.
Un témoin, Ouadah Ismaël al-Cheikh, qui était un haut responsable des services de renseignements irakiens au moment du massacre de Doujaïl, est mort d'un cancer après avoir fait une déposition enregistrée sur vidéo le mois dernier.

Remplaçants

Ces problèmes de sécurité ont conduit la défense à menacer de boycotter l'audience de lundi, après l'assassinat de deux avocats des accusés depuis l'ouverture du procès. Mais les autres avocats affirment maintenant qu'ils vont faire leur travail, ne fusse que pour empêcher le TSI de leur désigner des remplaçants.
"Tous les avocats vont assister au procès et la décision a été prise de ne pas laisser le président seul", a déclaré Me Issam Ghazaoui. "Les avocats sont contraints d'assister aux audiences, malgré les graves menaces qui pèsent sur leurs vies, mais ils veulent faire cela pour servir la justice".
Samedi, huit sunnites ont été arrêtés à Kirkouk, dans le nord de l'Irak, alors qu'ils préparaient l'assassinat du juge d'instruction Raïd Juhi, sur ordre d'un ancien fidèle de Saddam Hussein, Izzat al-Douri, le plus haut dignitaire du régime déchu encore en fuite, a déclaré dimanche le colonel de police Anouar Qadir. Al-Douri serait au moins le chef symbolique des loyalistes de l'ancien régime qui combattent les forces gouvernementales irakiennes et américaines.

Aide américaine

Par ailleurs, l'ancien ministre américain de la Justice Ramsey Clark est arrivé dimanche à Bagdad, apparemment pour aider l'équipe internationale d'avocats de l'ex-dictateur. Mais selon un responsable gouvernemental américain proche du TSI qui a requis l'anonymat, la défense n'a pas rempli les formulaires adéquats pour permettre à un avocat non irakien d'assister aux audiences.
Selon les autorités américaines et irakiennes, la session devrait durer au moins jusqu'à jeudi avant d'être ajournée jusqu'aux élections législatives du 15 décembre.
Toutefois, l'avocat Khamis al-Oubaïdi a confié à l'Associated Press que la défense demandera une suspension d'au moins trois mois pour se donner du temps, afin d'examiner les témoignages et préparer ses arguments. "Ce n'est pas un report pour un report", a-t-il assuré. "Nous avons besoin de certaines clarifications sur des documents que nous avons reçus et nous n'avons pas eu assez de temps pour étudier le dossier. Certains des documents que nous avons demandés ne nous ont pas été communiqués".

Dépaysement

Il a ajouté par ailleurs qu'un accord avait été trouvé "en principe" pour garantir la sécurité des avocats et que la menace de boycott avait été levée. Après les assassinats de deux avocats, des voix se sont fait entendre pour demander que le procès se tienne en dehors de Bagdad ou même dans un autre pays.
Le juge principal du procès, Rizgar Mohammed Amine, a reconnu qu'il avait envisagé de dépayser le procès dans le nord de l'Irak, dans une zone sous contrôle kurde, en raison du manque de sécurité dans la capitale. "Pour l'instant, la situation permet que les procédures se déroulent de façon régulière et équitable, même si les conditions sont difficiles, de l'aveu général", souligne-t-il toutefois dans un entretien paraissant lundi dans l'hebdomadaire allemand Focus.
Le procès se déroule dans une salle d'audience placée sous haute sécurité dans l'ancien quartier général du parti Baas, situé dans la Zone verte. Lors de l'ouverture du procès, après la lecture des chefs d'inculpation, l'ex-raïs, qui avait été arrêté le 13 décembre 2003, a plaidé non coupable.




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