Le président Bush adresse une mise en garde à Ankara

Image 24.03.03 | 13h53
Istanbul de notre correspondante

Bien que l'armée turque ait démenti avoir envoyé la semaine dernière plus de 1 000 soldats au nord de l'Irak, le nouveau premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a confirmé, dimanche 23 mars, que la Turquie entendait établir dans la région une zone tampon pour "empêcher diverses provocations menaçant notre sécurité" et aider d'éventuels réfugiés.Un communiqué de l'état-major a souligné que les forces armées avaient terminé leurs préparatifs et pourraient franchir la frontière si cela s'avérait nécessaire.

"La présence de soldats turcs dans la région sera un élément de sécurité et de stabilité pour la Turquie et pour la région", a déclaré M. Erdogan dans un discours à la nation après que son gouvernement eut obtenu, dimanche, la confiance de l'Assemblée nationale. Le dirigeant turc a affirmé qu'Ankara et Washington étaient en accord sur ce sujet, ce que sont venues contredire des déclarations des plus hauts dirigeants américains.

"Nous avons fait savoir très clairement que nous attendons d'eux qu'ils ne viennent pas au nord de l'Irak", a déclaré le président Bush en rentrant dimanche à Washington. "Ils savent que nous travaillons avec les Kurdes afin d'assurer qu'il n'y ait pas d'incident", a-t-il dit. Le chef de l'état-major américain, le général Myers, a souligné que "tout conflit autre que le conflit des Etats-Unis avec l'armée irakienne serait un problème".

Conséquence de la crise, le Pentagone a annoncé qu'il avait abandonné l'idée de faire transiter blindés et troupes via la Turquie. Les camps établis par les Etats-Unis près de la frontière irakienne sont en train d'être démantelés et les navires qui attendaient de débarquer leurs troupes ont quitté la côte turque en direction du Golfe. Un envoyé américain, Zalmay Khalilzad, était attendu à Ankara lundi pour discuter de la situation avec les autorités turques.

La volonté de la Turquie d'intervenir au nord de l'Irak a également valu à Ankara des réactions vives de plusieurs gouvernements européens. L'Allemagne a menacé de retirer le personnel stationné en Turquie dans le cadre de l'OTAN et le ministre des affaires étrangères belge, Louis Michel, a affirmé qu'il serait "impensable" d'accepter la Turquie dans l'UE si elle envoyait ses forces au nord de l'Irak. Moscou a également convoqué l'ambassadeur turc pour lui faire part de ses inquiétudes.

PROGRAMME D'AUSTÉRITÉ

M. Erdogan, qui vient juste de prendre le pouvoir, va dès lors devoir rebâtir sa politique étrangère. La position adoptée par son parti durant la crise irakienne n'a satisfait personne : ni la majorité antiguerre, qui était hostile à l'ouverture de l'espace aérien aux avions américains, ni ceux qui souhaitaient un engagement direct de la Turquie aux côtés de Washington et déplorent la perte d'une aide financière substantielle. La priorité de M. Erdogan sera de restaurer la confiance des marchés financiers. En l'absence d'aide américaine, le Parti de la justice et du développement (AKP), qui était tenté par une voie plus populiste, va devoir revenir à une stricte discipline fiscale. M. Erdogan a affirmé que son gouvernement était "totalement déterminé" à appliquer le programme d'austérité élaboré avec le Fonds monétaire international.

Nicole Pope

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 25.03.03