Le plan Erdogan pour clore le conflit au Kurdistan turc

mis à jour le Samedi 14 novembre 2009 à 16h33

Lemonde.fr | Diyarbakir (Turquie) Envoyé spécial

Près de 15 millions de Kurdes de Turquie avaient les yeux rivés sur le Parlement d'Ankara, la capitale, vendredi 13 novembre. Dans toutes les maisons et les échoppes de Diyarbakir, la grande ville kurde du sud-est du pays, la télévision retransmettait en direct, la présentation par le gouvernement d'un programme de réformes destinées à mettre fin au conflit avec la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui a fait 40 000 morts en un quart de siècle.

Le débat parlementaire de vendredi a été salué, en soi, comme un événement "historique" à travers le pays. Au cours d'un long et vibrant discours, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a défendu le projet d'"ouverture démocratique" de son gouvernement. "Les problèmes de ce pays sont les nôtres. C'est pourquoi nous ne pouvons plus les ignorer", a-t-il lancé aux députés.

Les mesures détaillées par le ministre de l'intérieur, Besir Atalay, visent à renforcer l'identité culturelle des Kurdes et à défendre les droits de l'homme dans la région. La diffusion de programmes en langue kurde sera autorisée à la radio et à la télévision. Les partis politiques pourront faire campagne en kurde alors que, jusqu'à récemment, le premier ministre refusait toute rencontre avec les députés du parti kurde DTP (Parti pour une société démocratique). Les noms "turquifiés" des municipalités pourront être remplacés par les noms d'origine kurde, syriaque ou arménienne, notamment.

La Turquie (candidate à l'Union européenne) va également ratifier la convention de l'ONU contre la torture, et créer une commission indépendante pour enquêter sur les milliers de plaintes déposées contre les forces de sécurité pour torture ou mauvais traitements.

"C'est bien mais cela fait plus d'un an que nous réclamons cette commission", commente Muharrem Erbey. Et l'avocat, qui est aussi président de l'Association des droits de l'homme de Diyarbakir de poursuivre : "On ne guérit pas si vite une maladie qui dure depuis si longtemps. En deux siècles, une trentaine de révoltes kurdes ont éclaté. Le problème ce n'est pas le PKK mais le déni des Kurdes, de leur culture et de leur identité."

"INSUFFISANT ET TIMIDE"

De fait, au lendemain du discours du chef du gouvernement, des questions clés restent sans réponse : le sort de centaines de jeunes lanceurs de pierres, poursuivis après des manifestations et parfois condamnés à de lourdes peines au titre de la loi antiterroriste, n'est pas réglé.

L'amnistie des combattants du PKK, exilés dans les montagnes du Nord de l'Irak, n'a pas davantage été évoquée. Et les opérations militaires contre les camps rebelles se poursuivent.

Sur le plan culturel, le droit à l'éducation dans la langue maternelle, réclamé par les Kurdes, a été rejeté par le gouvernement. L'ouverture d'Ankara est "insuffisante et timide", juge l'éditorialiste Mehmet Ali Birand : "Je crois qu'il faut aller plus loin et plus vite."

Mais le gouvernement doit aussi composer avec les réactions virulentes des partis nationalistes de l'opposition qui accusent M. Erdogan de diviser la Turquie et de céder aux "terroristes".