Le nouveau chef de l'armée turque, gardien du kémalisme et eurosceptique



5 août 2008 | ISTANBUL CORRESPONDANCE | Guillaume Perrier

Comme de coutume dans l'armée turque, le général qui commande l'armée de terre, Ilker Basbug, a été nommé chef de l'état-major, lundi 4 août, au cours du Conseil militaire suprême (YAS). Ce "faucon" de 65 ans va diriger la deuxième armée de l'OTAN en nombre d'hommes (environ 600 000) jusqu'en 2010. Il succède à Yasar Büyükanit qui, ces deux dernières années, a occupé le devant de la scène politique, multipliant les avertissements sur la laïcité contre le gouvernement dirigé par le Parti de la justice et du développement (AKP).


AP/BURHAN OZBILICI
Iker Basbug est le nouveau chef d'Etat Major de l'armée turque.

Ilker Basbug, réputé plus fin diplomate que son prédécesseur et surnommé "le guerrier de glace", devra gérer une cohabitation délicate avec le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier avait soutenu le général Aydogan Babaoglu, chef de l'armée de l'air, et maintenu le suspense sur sa décision finale. Il ne s'est finalement pas opposé à Ilker Basbug, plébiscité par l'institution militaire. "Le gouvernement n'a pas pris de risque, cela aurait pu créer de nouvelles tensions politiques", décrypte Lale Sariibrahimoglu, journaliste spécialiste des questions de défense.

L'entente entre le premier ministre et le général déterminera pour une grande part l'atmosphère politique des mois à venir. Le général Basbug sera un gardien sourcilleux de la laïcité, pilier de la Constitution, et du kémalisme, l'idéologie d'Etat. "Les forces armées turques ont toujours défendu et défendront toujours l'Etat nation, l'Etat unitaire et l'Etat laïc", avait-il déclaré en 2006. Une mise au point répondant aux critiques de l'Union européenne (UE), qui reproche aux militaires de freiner la démocratisation du pays.

Dans la guerre menée par Ankara dans le sud-est du pays, Ilker Basbug est un général inflexible. Il a gagné ses galons en supervisant les opérations transfrontalières menées en 2007 en Irak contre les rebelles kurdes du PKK. Il avait déclaré qu'il y avait à Hakkari, une ville kurde proche de la frontière irakienne, "des microbes qui doivent être nettoyés", en faisant allusion au maire de la ville qui soutenait, selon lui, le PKK.

Présenté comme un pragmatique froid et intelligent, partisan d'une alliance forte avec l'OTAN et avec Israël, Ilker Basbug n'est, en revanche, pas un enthousiaste de l'adhésion turque à l'UE.