Le dirigeant kurde Jalal Talabani revendique la présidence de l'Irak à l'issue des élections

Image 03.02.05 | 14h28 (ANALYSE)
Dans l'attente des résultats du scrutin, il assure que ses tractations avec les chiites sont positives.

Souleimanye (Kurdistan)
de notre envoyée spécialePour le peuple irakien, ces élections sont une revanche sur Saddam Hussein. Pour les Kurdes, obtenir la présidence de l'Irak n'est que justice ! Par cette déclaration, Jalal Talabani, 71 ans, chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), ne cache pas ses ambitions. Principal dirigeant kurde avec Massoud Barzani, et numéro un de la Liste unifiée du Kurdistan (LUK) aux élections nationales, l'homme estime avoir de bonnes chances de les réaliser.

Installé dans sa résidence de Kalat Choualan qui domine la ville de Souleimanye, entouré de sa famille et de quelques fidèles, en cette soirée glaciale du mardi 1er février, Jalal Talabani affichait sa bonne humeur. Les tractations avec les responsables chiites seraient, selon lui, positives. "Les chiites insistent pour obtenir le poste de premier ministre, affirmait-il, mais ils sont d'accord pour que le président soit kurde et, parmi les leaders kurdes, ils sont d'accord pour que ce soit Talabani."

Ses proches insistent aussi sur "ses bonnes relations" avec le grand ayatollah Ali Al-Sistani, qu'il a vu à plusieurs reprises, en 2003 et 2004 à Nadjaf, et avec les représentants du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII). Parmi eux, l'ayatollah Baqer Al-Hakim, mort assassiné à l'été 2003, était "son ami personnel". Il bénéficierait aussi du "soutien inconditionnel" de Hamid Majid, le chef du Parti communiste irakien.

"Les Kurdes, citoyens de seconde catégorie, c'est fini ! jure Jalal Talabani. Dans la nouvelle démocratie irakienne, je suis un citoyen comme les autres. J'ai donc le droit de revendiquer tous les postes et, pourquoi pas, la présidence. La plupart des Irakiens me connaissent. Ils savent que j'ai passé ma vie à lutter pour la démocratie et contre Saddam Hussein."

Certes, un président kurde sera sans doute difficilement acceptable par les pays arabes voisins. Mais, relativise-t-il, "comme eux et comme la majorité des Kurdes, je suis moi aussi sunnite. Par ailleurs, les Kurdes sont ceux qui entretiennent aujourd'hui les meilleures relations avec les tribus arabes sunnites d'Irak."

Autour de leur leader, les fidèles de l'UPK expriment le même optimisme : "Quand Hoshyar Zebari -qui est kurde- a été nommé ministre irakien des affaires étrangères-en juin 2004-, se souvient un cadre important du parti, tout le monde a protesté que cela ne marcherait pas, que cela poserait problème aux pays arabes. Finalement, tout s'est bien passé. Et personne n'a contesté la qualité de son travail. Comme Zebari, Talabani parle parfaitement l'arabe. Ses relations avec les chefs d'Etat de la région sont anciennes et bonnes."Un autre fidèle confie : "Saviez-vous que, dans les années 1960, Talabani avait rencontré Gamal Abdel Nasser et Ahmed Ben Bella -deux figures mythiques du nationalisme arabe- ?"

"Tout dépendra vraiment, explique le dirigeant kurde, du score réalisé par la LUK aux élections générales, car le futur gouvernement irakien doit théoriquement refléter la voix des urnes."Or, selon des sources - non officielles et donc invérifiables - qui lui sont parvenues le 1er février, les Kurdes obtiendraient entre 65 et 80 sièges, formant ainsi le deuxième bloc parlementaire, derrière la coalition chiite soutenue par Al-Sistani, qui raflerait de 110 à 120 sièges.

S'il devient président de l'Irak, Jalal Talabani promet qu'il défendra "activement les revendications kurdes : la normalisation de Kirkouk, la démocratie, le fédéralisme, le droit des femmes. Concernant la place de l'islam dans la Constitution, les Kurdes ne veulent pas d'un Etat islamique. La Loi administrative transitoire -TAL, de juin 2004-, qui stipule que l'islam peut être l'une des sources de la loi, constitue une bonne base." Et, précise-t-il encore, "pour ce faire, je veux pouvoir collaborer avec le premier ministre et superviser un ministère important, comme celui du pétrole ou de la défense. Je veux être un président fort."

Cécile Hennion

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 04.02.05