Le casse-tête kurde refait surface


6 juin 2007

Iraq-Turquie Ankara menace d’une intervention transfrontalière pour contrer la rébellion kurde. Bagdad met en garde contre les ingérences mais rassure ses voisins.

Alors que la violence confessionnelle et les attentats visant les forces de la coalition continuent de faire rage en Iraq, le gouvernement s’est trouvé cette semaine face à une autre crise, non moins importante, suscitée par les velléités turques d’intervention contre les rebelles kurdes installés en territoire iraqien. Selon Massoud Barzani, le président de la région iraqienne du Kurdistan, l’armée turque aurait d’ores et déjà pilonné dimanche dernier un bastion des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans les montagnes du nord de l’Iraq. « Il y a eu des attaques des forces turques dans des secteurs proches de la frontière, mais, pour le moment pas d’invasion du territoire kurde en Iraq », a déclaré M. Barzani. Assez tout de même pour susciter l’inquiétude des autorités iraqiennes, déjà empêtrées dans la lutte contre la violence qui, jusqu’à présent, n’a donné aucun résultat tangible.

La menace se faisait déjà sentir depuis plusieurs jours, la Turquie ayant massé ses troupes près de la frontière iraqienne pour préparer l’assaut dès la semaine dernière. Ce qui n’a pas manqué de provoquer la colère de Bagdad. Le président iraqien Djalal Talabani, lui-même Kurde, a souligné que l’Iraq n’accepterait « aucune ingérence dans ses affaires intérieures ». Partageant le même avis, le premier ministre iraqien a affirmé que son pays ne devait pas servir de base d’opérations contre ses voisins et mis en garde contre toute ingérence, alors que les liens sont tendus avec Ankara. « La terre iraqienne doit être respectée et ne pas être transformée en champ d’opérations, nous ne voulons pas blesser nos voisins, nous ne voulons pas non plus qu’ils interfèrent en Iraq, en pénétrant dans le pays et y combattant qui que ce soit », a déclaré Nouri Al-Maliki, au cours d’une conférence de presse à Erbil, au Kurdistan. « Il n’y a aucun doute parmi nos frères, au sein du gouvernement régional du Kurdistan ou du gouvernement d’union nationale iraqien, sur le fait que l’Iraq ne peut pas être le point de départ d’attaques contre les pays voisins », a-t-il poursuivi. M. Maliki a toutefois prévenu que « s’il y a le moindre problème, nous ne devons pas recourir à la violence, car cela ne fera qu’accroître l’intensité du problème ».

Modération

Le gouvernement régional du Kurdistan, qui comprend les provinces d’Erbil, de Souleimaniyeh et de Dohouk, est autonome depuis la fin de la guerre du Golfe de 1991. Son président, Massoud Barzani, a joué la modération. « Je ne veux pas utiliser le langage de la menace, la guerre ne résout pas les problèmes. Nous voulons discuter avec eux en toute amitié », a-t-il déclaré, en référence aux autorités turques, mais sans les nommer.

De l’avis de l’analyse Gamal Zahrane, professeur à la faculté de sciences politiques et économiques à l’Université du Canal de Suez, la question kurde étant compliquée et mêlant les intérêts de plusieurs pays à la fois, elle ne peut être réglée que par le biais des négociations qui englobent toutes les parties et qui prennent en considération leurs revendications légitimes.

Or, la mise en place d’un gouvernement régional du Kurdistan en Iraq ne manque pas de susciter l’inquiétude d’Ankara, qui craint que cela n’alimente la rébellion kurde dans son territoire, et qui estime que des milliers de rebelles du PKK utilisent le nord de l’Iraq comme base arrière pour leurs opérations dans le sud-est anatolien où la population est en majorité kurde. D’autant plus que l’armée américaine a transféré le 30 mai la responsabilité de la sécurité des trois provinces kurdes d’Iraq au gouvernement régional du Kurdistan.

La crise peut donc éclater à tout moment. Le chef de l’état-major turc, le général Yasar Buyukanit, a rappelé que l’armée était favorable à une incursion pour déloger les militants du PKK de leurs camps dans le nord de l’Iraq, mais qu’il incombait au gouvernement de prendre la décision. De leur côté, les autorités iraqiennes, tout en mettant en garde contre des ingérences, jouent la modération en raison de la complexité de la donne intérieure.

Maha Salem