La Turquie sur tous les fronts


29 octobre 2007

Ce lundi, des milliers de drapeaux blancs et rouges ont envahi les rues de Turquie. Alors qu’à la frontière avec l’Irak les affrontements entre l’armée et les séparatistes kurdes auraient fait quinze morts dans les rangs du PKK, des cérémonies étaient organisées partout dans le pays à l’occasion du 84e anniversaire de la création de la République turque. C’était le 29 octobre 1923. Mustafa Kemal « Atatürk » devenait le « père des Turcs ». Pendant que des centaines de manifestants défilent pour dénoncer le « terrorisme » du PKK, l’armée continue de renforcer ses positions à la frontière avec l’Irak. Quant au gouvernement turc, s’il ne cesse de brandir la menace d’une offensive en territoire irakien, il ne délaisse pas pour autant la voie diplomatique. Cette semaine, les entretiens avec Bagdad et Washington vont se multiplier.


Des Turcs, avec des portraits d'Atatürk, protestant contre le PKK dans les rues d'Ankara.
(Photo : Reuters)

Menacée à sa frontière avec le Kurdistan irakien, la Turquie ne baisse pas la garde, au contraire. Les grands moyens ont été mis en œuvre au sud et à l’est pour accroître la pression sur les séparatistes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). 100 000 soldats, des chasseurs, des hélicoptères de combat et des chars ont été déployés en vue d’une offensive de grande ampleur.

L’agence de presse semi-officielle annonçait ce lundi que 8 000 soldats turcs avaient réussi à encercler une centaine de militants du PKK, dans les montagnes d’Ikiyaka, à la frontière sud-est de la Turquie avec l’Irak en bloquant les points de passage que les séparatistes utilisent pour fuir au Kurdistan irakien. Quinze d’entre eux auraient été tués.

« Toutes les options sont sur la table »

L’armée turque multiplie également les offensives à l’intérieur du pays, à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière. A Tunceli, dans l’est anatolien, un soldat a été tué par une mine et un autre blessé.


(Carte : D. Alpoge/RFI)

Pour l’instant l’armée turque semble donc se « contenter » de harceler les militants du PKK, sans chercher à les poursuivre dans leur refuge irakien. Mais le gouvernement turc continue de brandir la menace d’une vaste offensive de l’autre coté de la frontière. Et de nouveau, dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères, Ali Babacan, a déclaré depuis Téhéran que « toutes les options (étaient) sur la table », militaires et diplomatiques. Mais le président Ahmadinejad a tenu à rappeler qu’il privilégiait une solution pacifique.

Les autorités turques ne délaissent donc pas pour autant les négociations bilatérales avec l’Irak et les Etats-Unis. Et l’agenda diplomatique des dix prochains jours sera particulièrement chargé.

Bagdad impuissant

Le gouvernement irakien s’inquiète des proportions que prend la crise à sa frontière nord, qualifiée d’« extrêmement sérieuse », par le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, dimanche soir.

La Turquie, à l’issue d’une réunion à Ankara vendredi, avait en effet jugé insuffisantes les initiatives du gouvernement irakien, qui avait notamment proposé de faire surveiller la frontière entre le Kurdistan irakien et la Turquie, et de renforcer les postes frontières. Le gouvernement turc souhaite, lui, que les autorités irakiennes arrêtent les dirigeants du PKK. Mais comme le reconnaissait humblement Hoshyar Zebari, « ils ne sont pas sous notre contrôle ». Depuis des années, aucun soldat de l’armée irakienne ne stationne sur la frontière nord.

Un nouveau rendez-vous a donc été fixé entre le ministre irakien des Affaires étrangères et son homologue turc, Ali Babacan. Cette rencontre en tête à tête est prévue en marge de la Conférence internationale des pays voisins de l’Irak, les 2 et 3 novembre prochains, à Istanbul.

Pressions américaines

Par ailleurs, les Etats-Unis ne cessent d’appeler leur fidèle alliée Ankara à la retenue, car Washington veut à tout prix éviter une déstabilisation du Kurdistan irakien, une des rares régions épargnées par la guerre en Irak.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, visiblement irrité d’être sans cesse rappelé à l’ordre, doit donc rencontrer la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, jeudi prochain à Ankara, avant de se rendre tous deux à la conférence d’Istanbul.

Point culminant de ces discussions américano-turques : l’entretien entre le président George W. Bush et Recep Tayyip Erdogan, qui aura lieu le 5 novembre prochain, à la Maison Blanche. Une première depuis la victoire aux législatives de juillet dernier du Parti de la justice et du développement (AKP), du Premier ministre turc.