La Turquie renonce à ses plans en Irak sans accord américain

Image Avec AFP [26 mars 2003] L'armée turque a annoncé aujourd'hui qu'elle n'enverra des soldats supplémentaires en Irak qu'en accord avec les Etats-Unis et seulement en cas de menace, première réponse aux inquiétudes de Washington qui craint des violences dans cette région sous contrôle kurde.

Ces assurances semblent écarter, dans l'immédiat, la menace d'une intervention «unilatérale» turque dans le nord de l'Irak.

Celle-ci est redoutée par Washington car elle risquerait d'ouvrir une «guerre dans la guerre», compliquant l'offensive en cours contre le régime de Saddam Hussein.

S'adressant à la presse à Diyarbakir, principale ville du sud-est de la Turquie, le chef d'Etat-major de l'armée, le général Hilmi Ozkok, a annoncé que des soldats supplémentaires ne seraient envoyés dans le nord de l'Irak que si les troupes turques déjà présentes ne pouvaient répondre à d'éventuelles menaces contre la sécurité de la Turquie.

Mais ces soldats n'iront pas dans le nord de l'Irak «pour se battre ou pour occuper», a assuré le général Ozkok, promettant que toute initiative de ce type serait «coordonnée avec les Etats-Unis».

Sujet de vives tensions entre Ankara et Washington, le projet de déploiement turc ne fait cependant l'objet d'aucun accord politique officiel jusqu'à présent.

Et ces derniers jours, les responsables turcs ont multiplié, sous une avalanche de critiques internationales, les démonstrations de fermeté, affirmant, comme le ministre des Affaires étrangères Adbullah Gul, que leurs soldats «iront dans le nord de l'Irak».

Les discussions turco-américaines autour du représentant du président américain auprès de l'opposition irakienne, Zalmay Khalilzad, doivent reprendre en fin de semaine à Ankara, après une visite de M. Khalilzad dans le nord de l'Irak.

Cette région, soustraite à l'autorité de Bagdad après la fin de la guerre du Golfe en 1991, est contrôlée par des factions kurdes qui redoutent de voir les Turcs s'installer durablement sur leur territoire.

«Nous n'avons pas l'intention d'installer une zone tampon permanente. Nous n'allons pas entrer en confrontation, sauf pour nous défendre. Nous n'avons pas d'intentions secrètes», a promis le général Ozkok, en uniforme de combat, de retour d'une visite aux soldats le long de la frontière turco-irakienne.

«Notre action sera coordonnée avec les Etats-Unis et les mesures nécessaires seront prises pour empêcher les malentendus», a-t-il assuré.

Comme «menaces» pouvant justifier l'envoi de soldats du côté irakien, le général Ozkok a cité un éventuel «afflux massif de réfugiés, une instabilité due à des combats entre forces locales armées ou une attaque de l'une d'elles contre la population civile».

La puissante armée turque, qui a combattu entre 1984 et 1999 une rébellion séparatiste kurde dans le sud-est, s'était mêlée au débat politique en prenant position, début mars, pour le passage de soldats américains sur le sol turc, ce qui aurait permis dans la foulée à Ankara de déployer massivement des troupes dans le nord de l'Irak.

Mais le refus du parlement, le 1er mars, d'autoriser ce passage, a contrarié les projets américains d'ouvrir un front dans le nord de l'Irak, et les Etats-Unis ont depuis multiplié les pressions sur la Turquie pour qu'elle renonce à ses projets de déploiement militaire à hauts risques.

Déjà présente militairement dans le nord de l'Irak, la Turquie estime de son côté être en droit d'y envoyer des milliers de soldats supplémentaires.

Outre les «menaces contre la sécurité» officiellement avancées, Ankara redoute par dessus tout que les Kurdes de la région ne soient tentés par l'indépendance à la faveur de la guerre en cours, entraînant une contagion au sein de la minorité kurde de Turquie.