La Turquie promet de soutenir l'Irak à condition que son unité soit préservée

17 novembre 2006
Compte rendu
ISTANBUL CORRESPONDANCE

 La Turquie a de nouveau reçu, jeudi 16 novembre, le premier ministre irakien alors qu'elle refuse toujours d'inviter son président - le Kurde Jalal Talabani -, qui suscite la plus grande méfiance à Ankara où l'on est déjà mal à l'aise avec ses propres citoyens d'origine kurde.

 
Les premiers ministres turc, Recep Tayyip Erdogan (g.) et irakien, Nouri Al-Maliki, lors d'unre rencontre à Ankara, le 16 novembre 2006.

A l'issue d'entretiens à Ankara avec Nouri Al-Maliki, son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé qu'il était prêt à fournir à l'Irak un soutien multiforme - culturel, commercial et militaire, sous forme d'entraînement de son armée et de sa police -, mais seulement "à condition que l'unité du peuple irakien soit préservée". La plus grande crainte d'Ankara reste qu'un Kurdistan indépendant en Irak ne vienne redonner des aspirations indépendantistes à ses propres Kurdes.

Lors d'une conférence de presse commune, M. Erdogan a précisé que "l'intégrité territoriale et politique de l'Irak est essentielle", en soulignant que pour "garantir la sécurité et la stabilité" de ce pays, ses problèmes "doivent être résolus par consensus", particulièrement à Kirkouk. "Il faut un plan pour Kirkouk qui englobe tous ses groupes ethniques", a-t-il ajouté.

La Constitution de l'Irak prévoit la tenue d'un référendum dans cette région avant fin 2007 pour déterminer son avenir. Les Kurdes d'Irak, redevenus majoritaires à Kirkouk et dans sa région riche en pétrole, entendent en faire la capitale de leur entité autonome. Répondant aux inquiétudes turques, M. Maliki a assuré que "Kirkouk est une cité irakienne, elle restera en possession de l'Irak".

Selon un quotidien turc, la visite de M. Maliki, prévue quatre jours plus tôt, a été reportée, non pas - comme cela fut annoncé - en raison d'une tempête de sable, mais à cause de différends entre les deux parties sur la composition de la délégation irakienne. Les Kurdes refusaient la présence du chef du Front turkmène d'Irak, soutenu par la Turquie. Ankara ne voulait pas accueillir un représentant officiel du Kurdistan d'Irak, dont la très large autonomie est pourtant inscrite dans la Constitution de ce pays.

"TERRORISTES DU PKK"

Une présence fut pourtant remarquée dans la délégation irakienne : celle du général à la retraite et ministre d'Etat pour la sécurité nationale, Shirwan Al-Waili. C'est lui qui a été nommé représentant de l'Irak "pour la lutte contre les terroristes du PKK", le parti de la guérilla des Kurdes de Turquie qui dispose de bases en Irak. Le général Waili a rejoint deux autres généraux à la retraite, l'un américain, l'autre turc. Leur nomination, cet été, fut la réponse trouvée par Washington pour calmer une opinion publique turque outrée par la poursuite des attentats du PKK en Turquie, et pour dissuader l'armée turque qui menaçait d'intervenir en Irak.

Au sujet du PKK, M. Maliki s'est borné à assurer que son gouvernement "ne laissera aucun groupe mener des activités armées en Irak". Cette déclaration paraît dérisoire. Les pouvoirs de ce gouvernement s'étendent avec peine hors de la "zone verte" de Bagdad, où il siège. Et il ne dispose d'aucune troupe au Kurdistan, sans même parler de l'extrême nord montagneux de cette région où le PKK est retranché.

Pour autant, les contacts pris par le général américain avec ses collègues turcs et avec les dirigeants kurdes d'Irak - eux-mêmes en contact avec le PKK - ont abouti à l'annonce, par ce dernier, d'un nouveau cessez-le-feu. Bien que rejeté, comme d'habitude, par les militaires turcs, cette trêve tient encore. Elle laisse planer quelques lueurs d'espoir de "paix non déclarée" sur cette frontière sensible.


Sophie Shihab