La Turquie doit prouver qu'elle est une démocratie, juge Barroso


Mercredi 9 avril | Yves Clarisse

BRUXELLES (Reuters) - La Turquie doit démontrer l'intérêt de son adhésion à l'Union européenne en prouvant qu'elle est une démocratie, déclare le président de la Commission européenne, qui se rendra ce jeudi à Ankara.


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José Manuel Barroso s'est montré tranchant avant cette visite qui intervient alors que la Cour constitutionnelle turque vient d'accepter d'examiner une plainte visant à interdire le parti AKP au pouvoir pour activités anti-laïques.

"Il est essentiel que la Turquie démontre à l'Europe l'intérêt de son adhésion", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. "L'Union ne peut accepter qu'une Turquie démocratique."

Pour lui, la procédure engagée par le procureur général de la Cour de cassation, Abdurrahman Yalcinkaya, qui a aussi pour objectif de faire interdire d'activités politiques pour cinq ans 71 responsables de l'AKP, dont le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le président Abdullah Gül, est dangereuse pour les perspectives d'adhésion de la Turquie.

"Nous sommes préoccupés par l'évolution récente, qui est hors du commun", a ajouté Barroso, qui sera à Ankara en compagnie du commissaire à l'Elargissement Olli Rehn.

"Il n'est pas normal qu'un parti choisi par la majorité du peuple soit soumis à cette procédure", a-t-il dit.

Le Parti de la justice et du développement (AKP), que le procureur accuse de menacer les fondements laïques de la république turque, gouverne depuis novembre 2002 et a obtenu 47% des voix aux législatives anticipées de juillet dernier.

"J'espère que la Cour prendra une décision sur la base du droit et de la démocratie", a dit Barroso. "Cela pourrait avoir un impact majeur sur la manière dont la Turquie est vue par l'Union. On ne peut pas imposer la laïcité par la force."

LE PKK RESTERA SUR LA LISTE "TERRORISTE"

Le président de la Commission s'est refusé à évoquer d'éventuelles sanctions dans le cadre du processus d'adhésion entamé en octobre 2005 par les autorités turques et qui évolue lentement, tandis le président français Nicolas Sarkozy estime que la Turquie n'a tout simplement pas sa place dans l'Union européenne.

L'exécutif européen peut recommander la suspension du processus en cas d'infractions graves et durables en Turquie aux principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de l'état de droit.

L'autre dossier qui inquiète Bruxelles est l'article 301 du code pénal turc, qui fait de l'"insulte à la nation turque" un délit et qui a été utilisé pour poursuivre des dizaines d'écrivains, dont le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk.

Pour Barroso, cet article est "actuellement incompatible avec la liberté d'expression" mais sa réforme est envisagée.

"Cela semble aller dans la bonne direction", a-t-il dit.

Mais il n'ira pas les mains vides à Ankara.

Il a assuré que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) resterait sur la liste des organisations terroristes des Vingt-Sept malgré le jugement, la semaine dernière, du Tribunal de première instance de l'UE, qui a estimé que cette inscription était illégale pour des raisons de procédure, les gouvernements européens n'ayant pas suffisamment justifié leur décision.

Le gouvernement turc affirme que la lutte armée déclenchée en 1984 par le PKK pour la création d'une entité kurde dans le sud-est de la Turquie a fait près de 40.000 morts.

Il suffit pour les Vingt-Sept de motiver leur décision pour corriger le tir et le PKK restera sur la liste.