La question kurde divise Ankara et Bagdad

8 août 2007 | Correspondant à Istanbul - Jérôme bastion

Le Premier ministre irakien était en visite en Turquie.
Ankara réclame des mesures concrètes contre la présence de la rébellion kurde au nord de l'Irak. Mais les deux pays peinent à conclure un accord de coopération à ce sujet.

Les sujets à évoquer ne manquaient pas, ni non plus les points de désaccord sérieux. Au premier plan desquels la présence rebelle kurde dont le sanctuaire au nord de l'Irak agace de plus en plus Ankara, confronté à une recrudescence des activités de la guérilla. C'est pour cette raison que cette visite officielle était placée sous le signe de la "coopération sécuritaire", comme le déclarait Nouri al Maliki à son arrivée à Ankara hier.


AP

Une coopération ardemment souhaitée par le Premier ministre irakien lui-même, qui demandait à être reçu à Ankara depuis plusieurs semaines pour éviter à tout prix l'incursion militaire tant annoncée par l'état-major turc. L'urgence de la situation justifiait, des deux côtés, que l'on affiche des progrès sur cette question brûlante, mais manifestement le long tête-à-tête entre le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue irakien a achoppé sur plusieurs points.

C'est ce qui a expliqué la longueur de leur entretien (3h30 !) et la poursuite des négociations entre collaborateurs des deux parties avant de finalement tenir une conférence de presse commune. Le protocole adopté n'est qu'un engagement à conclure un véritable accord de coopération dans un proche avenir, ce qui représente plus qu'un demi-échec, à peine camouflé par la signature de ce document.

"Une affaire turco-turque"

Les discussions ont été "très, très utiles" , s'est forcé à déclarer M. Erdogan, se félicitant que l'Irak, pays "ami et frère", participe à la lutte contre la présence du PKK. Mais dans le détail, il semble que les autorités irakiennes aient bien du mal à s'engager dans cette direction, et - alors que le protocole adopté hier soir n'était pas encore connu - il semblait que M. Maliki ait cédé aux pressions des factions kurdes (représentées par le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari) pour éviter que le PKK soit présenté comme une organisation terroriste. C'était pourtant le minimum de ce que la Turquie espérait obtenir. M. Maliki aurait en revanche fait comprendre à M. Erdogan que l'existence du PKK est "une affaire turco-turque", ce qui sous-entend que Bagdad n'entend guère s'impliquer dans le conflit.

Le mémorandum prévoit donc la poursuite des négociations pour un véritable accord prévu à un terme de deux mois. Dans les deux semaines, l'Irak devrait dans ce but envoyer à Ankara une délégation emmenée par le ministre de l'Intérieur irakien. Aucun détail n'a été donné par les deux chefs de gouvernement sur le contenu de ce futur accord, signe que les négociations sont difficiles et loin d'aboutir. Seule confidence de M. al Maliki devant les caméras : le mémorandum "contraindrait" les factions kurdes du nord du pays, bien qu'elles se dirigent à grands pas vers l'indépendance. Et selon lui, sa visite à Ankara avait ainsi "atteint son but" .

Dans la journée de mardi, le porte-parole du Parti Démocratique du Kurdistan affirmait "ne pas soutenir le PKK" et appelait à une solution "politique" . Autrement dit : il ne désire pas participer à un règlement militaire de cette question. Et dans le même temps les sites d'information de l'Union Patriotique du Kurdistan du chef de l'Etat irakien Djalal Talabani, démentis par Ankara, affirmaient qu'un commando turc était entré en Irak.

Autant de signes que la coopération annoncée risque d'être dure à mettre en place. M. Erdogan aura déployé ces derniers mois de laborieux efforts pour tenter de décourager les militaires turcs piaffant de mener une opération transfrontalière. Il n'est pas sûr qu'avec cette visite il ait, lui, atteint son but.