La communauté kurde en deuil

mis à jour le Jeudi 7 février 2013 à 17h59

France-armenie.fr | fév. 2013 - N°394 | Mickaël Jimenez-Mathéossian

Les Kurdes du monde entier sont sous le choc après l’exécution en plein Paris, le 9 janvier, de trois femmes membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Une exécut ion professionnelle à caractère politique. Telle est la seule certitude à avoir quant au triple assassinat qui a eu lieu le 9 janvier dernier dans les locaux de la Fédération des associations kurdes de France et du Centre d’information du Kurdistan.

Trois femmes ont été abattues. Leyla Söylemez, 24 ans, présentée comme une “ jeune activiste ” kurde, faisait fonction de secrétaire du Centre d’information. Fidan Dogan, 32 ans, permanente du Centre et représentante en France du Congrès national du Kurdistan (KNK), était quant à elle considérée comme une militante des libertés et des droits de la femme. C’est elle que François Hollande avait évoquée comme “ connue de [lui] et de beaucoup d’acteurs politiques car elle venait régulièrement [les] rencontrer ” en tant qu’interprète au sein de délégations kurdes. Ce qui a permis au Premier ministre Erdogan, dans un cynisme absolu, de faire la leçon à François Hollande et de le sommer d’“ expliquer immédiatement aux Français, aux Turcs et au reste du monde, pourquoi (...) il est en relation avec ces terroristes ”. Mais la véritable cible de cet assassinat est sans aucun doute Sakîne Cansiz, 55 ans, membre fondatrice du PKK. Née à Tunceli, elle avait passé onze ans dans la tristement célèbre prison de Diyarbakir et n’avait jamais dévié de la ligne tracée par Adbullah Öcalan. Elle s’était engagée entièrement pour la cause kurde, en prenant part à la guérilla armée à sa sortie de prison et en résistant à de terribles tortures – qui la laisseront mutilée –, sans jamais donner le nom de ses camarades.

Solidarité face à la répression Après une manifestation spontanée à Paris, dès l’annonce des assassinats, aux cris de “ Nous sommes tous PKK ” et “ Etat turc : assassin ”, plus de 15 000 Kurdes se sont rassemblés samedi 12 janvier pour manifester leur tristesse et leur incompréhension face à ce triple meurtre. La communauté
arménienne, à travers notamment le CCAF et la FRA Nor Seround, s’est jointe à ces manifestations après avoir publié des communiqués condamnant le triple meurtre et exprimant sa solidarité envers le peuple kurde. “ Nous avons la conviction que cet attentat porte la marque des nationalistes turcs qui ont des réseaux très bien structurés en France et en Europe. (...) Les liens des nationalistes turcs avec certains services de l’Etat turc sont de notoriété publique ”, précisait le communiqué du CCAF.

Ce triple assassinat intervient dans un contexte plus que tendu entre les régions kurdes de Turquie et l’Etat turc. Alors que depuis des mois, la répression s’intensifie dans le cadre du conflit armé qui les oppose depuis plus de trente ans, des négociations directes sont en cours depuis la fin 2012 avec le chef du PKK, Abdullah Öcalan, embastillé depuis 1999 sur l’île prison d’Imrali. Ces pourparlers ont pour principal objet la négociation d’une “ paix durable ” entre les deux parties. Erdogan joue là son avenir politique et serait plus que déterminé à mener à bien ces négociations, cruciales pour la réalisation de ses ambitions présidentielles. Le 17 janvier, les corps des trois femmes étaient rapatriés en Turquie. Une foule immense de plus de 200 000 personnes s’est rassemblée à Amed (nom kurde de Diyarbakir), pour rendre un dernier hommage aux victimes désormais considérées comme de véritables martyres de la cause kurde.