L'OTAN appelle l'armée turque à la "retenue" au Kurdistan irakien

10 juillet 2007 - ISTANBUL CORRESPONDANCE

Le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, en visite mardi 12 juin à Ankara, a demandé à la Turquie de "faire preuve d'une retenue maximale" dans sa lutte contre les séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à l'issue d'une entrevue avec le ministre turc des affaires étrangères, Abdullah Gül.
Tout en soulignant que "l'OTAN exprime sa solidarité et (qu')elle est impliquée dans la guerre contre le terrorisme", M. de Hoop Scheffer a rejeté l'idée d'une action de l'OTAN contre les séparatistes kurdes en territoire irakien.

Cet appel à la modération et à une solution diplomatique aura sans doute fait grincer des dents dans les rangs de l'état-major turc, à un moment où les relations avec Washington et avec l'organisation atlantique sont plutôt fraîches. Même si le département d'Etat a fermement rappelé, mardi, que "le PKK est une organisation terroriste", l'armée turque reproche à son allié américain son inaction contre le PKK en Irak. Selon Ankara, au moins 3 500 rebelles seraient stationnés dans les montagnes de la province autonome irakienne du Kurdistan, avec la bénédiction des autorités kurdes locales.

RÉUNION STRATÉGIQUE

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lui aussi estimé que l'opération en Irak, préparée depuis plusieurs semaines et réclamée par l'état-major et le principal parti d'opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, gauche nationaliste), n'avait aucun caractère d'urgence. "La lutte à l'intérieur du pays est-elle terminée pour que nous allions nous occuper maintenant de l'Irak ?", s'est-il interrogé devant un parterre de journalistes, insistant sur la guerre que la Turquie doit mener sur son propre territoire.

Des dizaines de milliers de soldats quadrillent déjà le sud-est de la Turquie, à majorité kurde et proche de la frontière irakienne. Les combats et les attaques contre des convois militaires ont fait 125 morts depuis le début de l'année, dont une cinquantaine parmi les forces de sécurité.

Pour le chef du gouvernement, qui a présidé, mardi soir, une réunion stratégique avec les chefs de l'état-major des armées sur la réponse à apporter au PKK, une intervention en Irak serait inopportune, à quelques semaines des élections législatives prévues le 22 juillet et préparées dans la plus grande confusion. Même si, officiellement, "le gouvernement et les forces armées turques mènent la bataille contre le terrorisme en totale harmonie", selon le communiqué officiel publié à l'issue de la réunion.

De leur côté, les rebelles kurdes ont voulu lancer un signal, mardi, en décrétant, à la surprise générale, un "cessez-le-feu unilatéral". "Nous renouvelons nos appels à cesser les attaques contre l'armée turque. Nous voulons la paix et nous sommes prêts à négocier, a rapporté Abdul Rahman Chaderchi, l'un des dirigeants du PKK côté irakien. Mais si nous sommes attaqués, nous nous battrons et nous aurons la capacité de répondre à toute agression turque."

A de nombreuses reprises déjà, le PKK a appelé à des cessez-le-feu, mais généralement sans être pris au sérieux.

Guillaume Perrier
Article paru dans l'édition du 14.06.07