L'exécution de Saddam Hussein est une faute


2 janvier 2007
par Nicolas Sarkozy

J'aurais aimé saluer dans le procès de Saddam Hussein une étape marquante de la démocratisation de l'Irak. Malheureusement, l'exécution de l'ex-dictateur irakien jette le trouble sur un événement qui aurait dû être positif pour la reconstruction de ce pays martyrisé. D'abord, il faut reconnaître avec satisfaction que Saddam Hussein a été jugé.

J'observe que le Haut Tribunal pénal est une instance irakienne, formée exclusivement de magistrats irakiens, dont les audiences sont publiques. Les experts et les observateurs disent, certainement à juste titre, que les débats ont été menés de manière brouillonne, dans une atmosphère qui manquait de sérénité. Trois avocats de la défense ont d'ailleurs été assassinés. Le fait que Saddam Hussein ait été jugé par un tribunal irakien est déjà un exploit en soi dans les circonstances dans lesquelles se trouve plongé le pays. Rappelons que l'Irak n'a fait la découverte que depuis quelques mois des élections libres, d'une Constitution librement consentie, d'un gouvernement de coalition, de la délibération parlementaire et d'une justice indépendante, mais surtout qu'il est le lieu d'une guerre civile particulièrement sanglante.

C'est aussi un exploit parce que l'accusé se trouve être celui qui a asservi ses concitoyens par l'assassinat et la terreur pendant plus de trente ans, et dont se revendiquent encore les terroristes (je ne peux pour ma part appeler "résistants" ceux qui posent quotidiennement des bombes au milieu des civils).

J'aurais aimé saluer le fait qu'à travers ce procès hautement symbolique l'Etat irakien se soit approprié des éléments qui contribuent essentiellement à sa souveraineté, comme un système judiciaire indépendant et professionnel ou une police démocratique et intègre.

La condamnation à la peine capitale et l'exécution du condamné m'en empêchent. Je suis opposé à la peine de mort. C'est pour moi une question de principe. Je crois que le monde doit continuer à cheminer vers son abolition totale. Et, en l'occurrence, bien qu'il s'agisse d'un des grands criminels de l'Histoire, j'estime que l'Irak se serait grandi en n'exécutant pas celui qui l'a tant fait souffrir. Je souhaite ardemment la stabilisation de l'Irak. Mais, pour moi, la stabilisation en profondeur de cette région passe par la promotion des valeurs démocratiques. Je déteste l'idée que certains peuples seraient condamnés à la violence au seul motif que cette violence s'inscrirait dans une tradition multiséculaire, voire millénaire. Et je considère comme une étape indispensable du processus de démocratisation de l'Irak l'abolition de la peine de mort.

Enfin, je déplore profondément que Saddam Hussein, le dictateur qui avait plus de sang sur les mains que quiconque au monde, n'ait pas eu à comparaître pour ses autres crimes. Je regrette que justice n'ait pas été rendue aux Kurdes, dont les souffrances ont été indicibles, et dont le massacre au gaz de 5 000 civils dans la bourgade d'Halabja en 1988 n'aura été qu'un événement atroce parmi de nombreux autres. Je regrette que justice n'ait pas été rendue aux chiites, qui subirent en 1991 une répression barbare de la part de la garde républicaine irakienne - d'ailleurs sous le regard impassible de la communauté internationale.

Il est difficile de réconcilier les différentes composantes d'un peuple au sortir d'une dictature. Mais cette tâche me paraît d'autant plus malaisée lorsque la lumière n'est pas faite sur le passé.

L'exécution de Saddam Hussein, le pire des hommes, est une faute.




Nicolas Sarkozy est président de l'Union pour un mouvement populaire (UMP).

 

Article paru dans l'édition du 03.01.07