Iran: De la révolution inachevée de 1979 à la dynamique révolutionnaire en cours !

mis à jour le Lundi 1 mars 2010 à 11h34

Lemonde.fr

Le peuple iranien est en lutte pour la liberté et la formation d'un Etat de droit depuis plus d'un siècle. Il a fait "la révolution constitutionnelle" en 1906 pour imposer une Constitution à la monarchie dans une région du monde où certains pays sont encore, au XXIe siècle, à des années-lumière du combat des Iraniens pour la démocratie.

 

Malgré des crises cycliques dues au despotisme – le mouvement "vert" de contestation en cours étant le dernier exemple en date –, la dynamique en faveur de l'instauration de la démocratie est toujours d'actualité.

La révolution de 1979 pour renverser le pouvoir autocratique du shah et le remplacer par un nouveau régime démocratique a été stoppée par des forces antagonistes et des obstacles politiques. La révolution a été usurpée à mi-chemin par le despotisme religieux.

Néanmoins, la progression sur ce sentier plein d'embûches et difficile d'accès qui mène à la liberté a repris de plus belle dès le lendemain de cette révolution inachevée. C'est ce même dynamisme des droits démocratiques qui anime aujourd'hui les Iraniens et abouti à la mutation profonde du mouvement "vert" de juin 2009.

Ainsi les révolutionnaires d'hier poursuivent-ils toujours leur révolution. Les mécontentements populaires s'accumulent et se concentrent. Les enfants de la révolution sont persécutés parce qu'ils ne cautionnent plus la dictature islamique. Les violations systématiques, flagrantes et massives des droits de l'homme et des libertés publiques atteignent leur apogée et les gens meurent encore et encore pour la liberté.

Cependant, ce qui est en cours n'est pas "une autre révolution", mais juste une "demi-révolution". En effet, c'est une mutation qui cristallise sous une couleur verte les évolutions dynamiques et profondes de la société iranienne depuis des décennies. Elle constitue la moitié inachevée de la révolution de 1979. Sans plus.

Ce mouvement "vert" est un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté des personnes qui le composent. Elles ne sont en rien responsables des conséquences que cette véritable "force majeure" peut entraîner dans la société iranienne. Ni le régime islamique ni aucun pays développé au monde n'ont pu prévoir avant les élections du 12 juin 2009, les événements exceptionnels, extraordinaires et sans précédent qui allaient se produire.

Si le régime n'a pas pu, malgré la mort, la prison, la torture et le viol écraser cette révolte, c'est parce que c'est une dynamique quasi-insurrectionnelle, et à ce titre, plus puissante que le régime iranien.

Le fait que ce mouvement s'est imposé spontanément fournit en soi un bouclier de défense juridique aux personnalités clés du mouvement, qui fait rompre tout lien de causalité entre ces dernières et ce qui se passe au sein de la société.

Contrairement aux miliciens du guide suprême, il n'y a pas entre les contestataires et les "dirigeants" de ce mouvement une hiérarchie permettant d'engager la responsabilité des donneurs d'ordre comme celle des exécutants. En principe, on n'est responsable que de nos actes personnels.

Le mouvement actuel n'appartient donc à personne en particulier. L'ensemble des Iraniens, où qu'ils se trouvent dans le monde, ont des droits de citoyen et des devoirs dans ce mouvement, sans aucun droit de préférence ni privilège.

Il est intéressant de noter que la situation prérévolutionnaire en 1978-1979 a des points communs avec la période de 2009-2010. Selon le préambule de la Constitution de la République islamique d'Iran, le régime du shah a commis une erreur fatale en s'en prenant au clergé à l'époque, ce qui a fait exploser la colère du peuple "et abouti en" un peu plus d'un an de lutte continue à la révolution de 1979.

Le régime islamique n'aurait-il pas, lui aussi, déjà commis une erreur fatale en juin 2009 lors de la réélection contestée de M. Ahmadinejad en assumant une fraude électorale contre la volonté du peuple ?

Omid Saedi est doctorant en droit à l'université Paris-1 (Panthéon-Sorbonne)