Erdogan opposé à une incursion turque en Irak


Mercredi 13 Juin 2007 | Beyrouth

Maliki se plaint à Negroponte des « ingérences régionales » qui entravent le processus politique.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est clairement opposé hier à une incursion militaire turque dans le nord de l’Irak pour nettoyer les bases des rebelles kurdes à l’approche des législatives, prenant le risque de se couper de l’armée qui y est favorable. Parallèlement, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, s’est plaint des « ingérences régionales » qui entravent le processus politique dans le pays, devant le secrétaire d’État adjoint américain, John Negroponte, en visite à Bagdad.

«Est-ce que la lutte menée à l’intérieur du pays est terminée pour que l’on s’occupe maintenant de l’Irak ? Est-ce que les 5 000 terroristes dans les montagnes de Turquie ont été anéantis pour que l’on s’intéresse aux 500 autres réfugiés en Irak ? » a demandé M. Erdogan. Il s’exprimait juste avant une réunion des dirigeants civils et militaires du pays consacrée aux mesures à prendre contre les séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) qui ont intensifié leurs attaques en Turquie avant le scrutin du 22 juillet. Le Premier ministre a indiqué avoir utilisé ces chiffres en guise « d’exemple ». Selon les sources militaires, jusqu’à 3 800 rebelles sont réfugiés en Irak et près de 2 000 autres dans les montagnes turques.

M. Erdogan a estimé qu’une opération turque en Irak « est la dernière chose à laquelle il faut penser », affirmant qu’au préalable, toutes les voies du dialogue devaient être épuisées. Il n’a cependant pas totalement fermé la porte à une intervention turque. « Si une telle chose s’avère nécessaire, elle n’est pas annoncée avec fanfare », a-t-il observé, avant d’appeler la presse, qui fait sa une depuis des jours sur le sujet, au sens de responsabilité. Il n’a pas exclu que son homologue irakien, Nouri al-Maliki, se déplace prochainement en Turquie pour évoquer la situation.

L’armée turque, qui mène actuellement de vastes opérations dans l’Est et le Sud-Est anatoliens contre le PKK, plaide depuis avril au moins pour une intervention contre les rebelles établis dans les montagnes du nord de l’Irak et qui ravitaillent leurs camarades en Turquie en munitions et explosifs, comme dans les années 90. Mais aujourd’hui, les factions kurdes, autrefois divisées, sont désormais unifiées et sont les seuls alliés en Irak des forces d’occupation américaines. Kurdes et Américains sont opposés à une intervention turque qui pourrait, selon eux, déstabiliser la zone la moins touchée par les violences qui déchirent le pays.

Le secrétaire général de l’OTAN, en visite à Ankara, a exhorté hier la Turquie alliée à agir avec un « maximum de retenue » en ce qui concerne le nord de l’Irak. « L’OTAN est totalement solidaire (avec la Turquie) (...) et souhaite qu’une solution soit trouvée avec un maximum de retenue », a dit Jaap de Hoop Scheffer, condamnant les agissements du PKK.

Le PKK a de son côté accusé hier l’armée turque d’être responsable de la recrudescence des violences et annoncé qu’il arrêterait ses actions si l’armée en faisait de même.

D’autre part, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki s’est plaint hier des « ingérences régionales » qui entravent le processus politique dans le pays, devant le secrétaire d’État adjoint américain, John Negroponte, en visite à Bagdad. M. Maliki a également insisté sur les « efforts menés pour développer les forces de sécurité face aux menaces des saddamistes, des terroristes et des milices » et sur le succès de son gouvernement d’unité nationale dans « la suppression des dangers du sectarisme ». M. Negroponte, de son côté, a renouvelé « le soutien de l’Administration américaine au gouvernement et au peuple irakiens face aux défis et aux ingérences étrangères ». Le secrétaire d’État adjoint a ensuite rencontré le président irakien Jalal Talabani.


Sur le plan sécuritaire, l’armée américaine a annoncé hier avoir démantelé la veille un site de fabrication de bombes dans un quartier de l’est de Bagdad, permettant selon elle de produire plus de 300 bombes. À l’intérieur du site, plusieurs bâtiments cachés par une épaisse palmeraie, les soldats américains ont saisi une voiture piégée, des obus de mortier, des mines antichar, des bombes artisanales contenant jusqu’à 230 kilos d’explosifs, des grenades et de l’acide nitrique utilisé dans la fabrication des explosifs. Par ailleurs, l’armée US a annoncé l’arrestation dimanche d’un membre important d’el-Qaëda, mais sans l’identifier. En outre, au moins huit personnes ont été tuées dans des attaques à travers l’Irak, dont six dans la province de Diyala où un chef de la police a été enlevé.