Des frappes iraniennes provoquent un exode au Kurdistan irakien


jeudi 23 août 2007 | Beyrouth | Jennie MATTHEW (AFP)

Plusieurs centaines de villageois des montagnes du nord de l’Irak ont pris le chemin de l’exode pour échapper aux bombardements de l’armée iranienne qui traque dans la zone frontalière les séparatistes kurdes.

« Quelque 150 familles ont fui huit villages. Nous sommes très inquiets quant à la situation dans la zone. Si les bombardements se poursuivent, nous devrons peut-être décréter l’état d’urgence », a déclaré Hussein Ahmad, chef du district de Qalaa Diza, dans la région autonome du Kurdistan irakien. « Il y a eu aujourd’hui des tirs d’artillerie à Hadj Oumran, sur le mont Qandil. Deux obus sont tombés dans la nuit », a précisé Ahmad Qader, le responsable du district de Hadj Oumran, à une journaliste de l’AFP qui a pu se rendre en début de semaine dans la région.

Samedi, un hélicoptère de l’armée iranienne s’était écrasé dans les montagnes de Qandil, dans le nord-ouest de l’Iran, près de la frontière irakienne, provoquant la mort de six gardiens de la révolution. La guérilla kurde a affirmé que l’appareil avait explosé en se posant sur une mine, tandis que l’armée iranienne incriminait le mauvais temps. Quelle que soit la cause de l’incident, il semble qu’il ait entraîné une intensification des combats dans la zone, provoquant la fuite de nombreux civils.

Qalaa Diza, en territoire irakien, se trouve très près de la province iranienne d’Azerbaïdjan occidental, qui compte une importante minorité kurde. Cette province est le théâtre depuis plus d’un an d’affrontements réguliers entre l’armée iranienne et les activistes kurdes, dont beaucoup appartiennent au Parti de la vie libre au Kurdistan (Pejak), un groupe séparatiste proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebelles kurdes de Turquie).

Depuis la chute de l’hélicoptère iranien, de nombreux civils kurdes qui vivaient sur le mont Qandil ont décidé de redescendre à dos de mule, quittant leurs villages pour se réfugier dans la vallée, dans des abris de fortune hors de portée des canons iraniens. Jhader Whatman, un berger de 57 ans, explique que sa maison de Cheikh Eich a été détruite par des tirs d’artillerie. Sa famille a sauvé ce qu’elle pouvait, avant de marcher pendant deux jours et deux nuits en suivant le cours d’un ruisseau. Son village abritait bien des combattants du PKK, confie-t-il.

« Les membres du PKK se cachaient, comme nous, mais ils nous ont avertis que notre village risquait d’être bombardé. Quand nous avons été bombardés, le PKK a riposté à la mitrailleuse et à la kalachnikov », dit-il. « J’étais en train de manger quand le bombardement a commencé. J’ai couru. Ma maison a été touchée et détruite. Nous avons sauvé ce que nous avons pu. Un de mes fils a pris la fuite avec les moutons. Nous avons suivi en emportant ce que nous pouvions, de la nourriture et des couvertures », raconte de son côté Aman Amed, 57 ans.

Buvant son thé à petites gorgées sous une tente, elle ne peut s’empêcher de se remémorer la première fois où elle a dû fuir son village, aux heures les plus sombres du régime de l’ancien président Saddam Hussein, qui avait mené une répression féroce contre les Kurdes. « J’ai accouché dans une grotte, car Saddam avait détruit notre village. Cette fois, cela va peut-être être la même chose. Peut-être allons-nous voir des femmes accoucher dans cette vallée ? »