Des dizaines de journalistes turcs accusé de liens avec le PKK devant la justice

mis à jour le Mardi 11 septembre 2012 à 17h23

Le Monde.fr avec AFP et Reuters

Le procès controversé de quarante-quatre journalistes accusés de liens avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a débuté lundi 10 septembre, à Istanbul, en présence de nombreux militants des droits de la presse et de parlementaires dénonçant une atteinte à la liberté d'expression.

Les prévenus, pour la plupart employés par des médias kurdes comme l'agence de presse Dicle, les quotidiens Özgür Gündem et Azadiya Welat sont accusés de liens avec l'Union des communautés kurdes (KCK), une organisation clandestine considérée par les autorités turques comme étant la branche urbaine du PKK. Douze d'entre eux encourent jusqu'à vingt-deux ans et demi de prison en tant que "dirigeants d'une organisation terroriste". Les autres risquent jusqu'à quinze ans de prison pour "appartenance à une organisation terroriste".

La première audience a débuté avec plus de trois heures de retard, en raison notamment de la cohue qui a contraint le juge à faire évacuer la salle avant même le commencement des débats, a constaté un journaliste de l'AFP. "Nous ne plierons pas devant les pressions" et "on ne peut pas réduire au silence la presse libre", ont scandé en chœur les accusés et de nombreux membres du public, sur fond de youyous lancés par des mères de prévenus, qui pour trente-six d'entre eux sont en détention préventive depuis leur arrestation, en décembre.

L'audience a finalement commencé par l'appel des accusés, qui a donné lieu à de nouvelles difficultés, certains d'entre eux répondant présent en kurde tandis que les avocats réclamaient le droit pour leurs clients de s'adresser à la cour dans cette langue, prohibée dans les tribunaux. "Ce sont les Kurdes et la presse kurde qu'on juge", s'est exclamé l'avocat de la défense Baran Isik, accusant la cour d'être "un instrument utilisé pour faire taire l'opposition et conforter le régime" avant de demander aux juges de se dessaisir.

VIOLATION FLAGRANTE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION

De nombreux parlementaires – dont une dizaine de députés du principal parti kurde de Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP) – et défenseurs des droits de la presse étaient présents au tribunal et dénonçaient une violation flagrante de la liberté d'expression. "Dans l'acte d'accusation, c'est le journalisme qui est inculpé, car on ne voit pas d'autre motif pour ces poursuites. Les preuves sont des articles, des éditoriaux", a affirmé Kadri Gürsel, éditorialiste du quotidien Milliyet et président de la section turque de l'International Press Institute (IPI).

Selon les autorités, le KCK souhaite se substituer à l'Etat turc dans les collectivités locales des provinces peuplées en majorité de Kurdes du Sud-Est anatolien en créant une structure administrative parallèle aux institutions officielles. Le procès des quarante-quatre journalistes s'inscrit dans le cadre d'une vaste opération de démantèlement du KCK, qui a conduit à l'arrestation de plusieurs centaines d'opposants kurdes – des milliers selon des sources kurdes. Cette vaste opération judiciaire a été dénoncée par de nombreuses organisations de droits de l'homme comme une chasse aux sorcières visant les opposants kurdes.