Dernières tractations sur le gouvernement irakien

Image LE MONDE | 27.04.05 |

Image e premier ministre désigné le 7 avril, Ibrahim Al-Jaafari, a soumis, mardi soir 26 avril, une liste des membres de son gouvernement au président kurde Jalal Talabani. Si cette liste est approuvée, elle sera transmise à l'Assemblée nationale transitoire issue du scrutin du 30 janvier pour approbation. Il aura donc fallu pratiquement trois mois pour constituer le nouveau cabinet irakien. Et encore, tous les titulaires des ministères ne sont pas encore officiellement désignés puisqu'il y a encore des doutes sur les futurs ministres du pétrole et de l'intérieur. En revanche, le poste de la défense, très convoité, aurait été attribué à un sunnite, Saadoun Dlimi.Outre la difficile répartition des postes entre les deux vainqueurs des élections du 30 janvier, les chiites de l'Alliance irakienne unifiée (AIU) qui a obtenu 143 élus sur 275 et l'Alliance kurde qui en a 77, les difficultés sont principalement venues des tractations destinées à associer les sunnites au nouveau pouvoir. Ces derniers avaient largement boycotté les élections et sont donc sous-représentés au sein de l'Assemblée. Dans un souci de réconciliation nationale, les deux principales formations ont parlementé avec l'ancien président Ghazi Al-Yaouar et surtout avec le premier ministre sortant, Iyad Allaoui, qui a obtenu seulement 40 élus le 30 janvier.

Comme l'a fait remarquer le numéro deux du parti chiite Al-Daawa, Jawad Maliki : "Le bloc Allaoui est responsable du retard. Il a commencé par refuser de faire partie du gouvernement et, lorsqu'il a changé d'avis, ses membres n'ont cessé d'hésiter et de montrer leurs divergences pour finalement avancer des demandes maximalistes." La formation de M. Allaoui avait en effet exigé un poste de vice-premier ministre et quatre ministères.


"SECTARISME"


Alors que les tergiversations sans fin se poursuivaient et que la violence redoublait face à ce vide du pouvoir, les Américains ont haussé le ton par l'intermédiaire du secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, qui a averti, le 25 avril : "Tout le monde estime que le peuple irakien mérite un gouvernement. Nous avons eu l'occasion de présenter ces vues à un certain nombre de dirigeants irakiens et nous allons continuer de dire qu'il est important de conserver un élan dans le processus politique."

Ces pressions de l'administration américaine et les nombreuses voix qui se sont élevées dans le pays pour dénoncer cette paralysie des politiques, après l'exemple démocratique donné par la population le 30 janvier, devraient permettre de donner rapidement à l'Irak un gouvernement qui, pour la première fois, sera dominé par les chiites. Le nouvel exécutif devrait comprendre au total trente-trois postes, dix-sept revenant aux chiites, huit aux Kurdes, six aux sunnites, un aux Turcomans et un autre aux chrétiens.

En principe, il devrait y avoir trois vice-premiers ministres, le Kurde Rouj Shaouiss, le chiite laïc Ahmed Chalabi et le sunnite Saad al-Louhaïbi. Certains ministres de l'ancien gouvernement, notamment le chef de la diplomatie Hoshyar Zebari et Mme Nisrine Al-Barouari, une Kurde, chargée des travaux publics, devraient conserver leurs postes. Mais le ministère de l'intérieur convoité par les chiites et celui du pétrole revendiqué par les Kurdes risquent encore d'être le fruit de tractations difficiles. Celles-ci ont déjà provoqué des défections au sein de la liste de l'AIU.

Trois élus sunnites de cette alliance dominée par les chiites ont décidé de partir accusant le principal vainqueur de l'élection de "sectarisme" . "Nous sommes entrés dans la liste pour illustrer l'unité nationale, mais nous avons constaté qu'elle ne représente que la sensibilité chiite religieuse" , a expliqué l'un d'eux, Modhar Chawkat.

Une fois le gouvernement constitué, il faudra également mettre en place la commission chargée de rédiger pour la mi-août la nouvelle Constitution.

Michel Bôle-Richard
Article paru dans l'édition du 28.04.05