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Une levée "historique" des sanctions américaines contre la Syrie, mais à quel prix ?


Jeudi 15 mai 2025 à 16h03

Beyrouth (Liban), 15 mai 2025 (AFP) — Le président syrien Ahmad al-Chareh a jugé "historique et courageuse" la décision du président américain de lever les sanctions américaines contre la Syrie. Mais quels sont les avantages pour chacun des deux dirigeants et quel est le prix à payer?

- Pour Donald Trump -

Selon la Maison Blanche, lors de leur brève rencontre à Ryad, Donald Trump a dressé une liste de demandes à M. Chareh.

Cette liste comprend notamment la normalisation des relations avec Israël, le départ des combattants étrangers du territoire syrien, l'expulsion des "terroristes palestiniens" et la nécessité d'aider Washington à empêcher la résurgence du groupe Etat islamique (EI).

Bien que ces objectifs restent difficiles à atteindre, la levée des sanctions reste un geste à forte portée symbolique pour Trump, notamment vis-à-vis du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane qui lui en avait fait la demande.

"C'est une faveur qui ne lui coûte rien, et il gagne des applaudissements et de la gratitude en retour, sans compter les avantages de donner à la Syrie une chance de stabilité et de rétablissement", a estimé Aron Lund du centre de recherche Century International.

Selon M. Lund, la présence d'un "gouvernement syrien opérationnel" offrirait à Donald Trump un contexte favorable pour concrétiser sa promesse de retrait militaire des troupes américaines déployées en Syrie.

Les États-Unis ont été présents militairement en Syrie tout au long de la guerre civile du pays, soutenant largement les groupes menés par les Kurdes contre le groupe Etat islamique (EI), tandis que le président déchu Bachar al-Assad bénéficiait de l'appui de la Russie, de l'Iran et de milices alliées.

"Cette levée des sanctions ouvre la porte à une coopération durable contre l'EI et contre l'influence iranienne", ajoute M. Lund.

- Pour le président syrien -

Pour M. Chareh, la décision de Donald Trump "allège les souffrances du peuple (syrien), contribue à sa renaissance et jette les bases de la stabilité dans la région", a-t-il dit mercredi.

Déclenchée en 2011, la guerre civile en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et dévasté le pays. Washington avait imposé de lourdes sanctions économiques à la Syrie, notamment pour empêcher toute tentative de reconstruction tant qu'Assad était au pouvoir.

Si plusieurs pays ont pris des mesures similaires, les sanctions américaines sont les plus sévères sur le plan économique.

Selon des experts, leur levée devrait permettre notamment le retour d'investissements étrangers et une reprise du secteur bancaire syrien.

Jihad Yazigi, rédacteur en chef du magazine économique The Syria Report, y voit un "signal politique majeur", alors que la Syrie espère débloquer des projets de reconstruction, dont le coût est estimé par l'ONU à plus de 400 milliards de dollars.

M. Chareh a promis mercredi de mettre fin à l'ingérence étrangère en Syrie et à encourager les investissements grâce à une réforme de la législation économique.

- Les défis à relever -

Mais le chemin vers le redressement de la Syrie ne sera pas facile, selon les experts.

M. Lund estime que certaines exigences de M. Trump "sont faciles mais d'autres sont difficiles, voire impossibles" à mettre en oeuvre, a-t-il ajouté.

Le succès de M. Chareh pourrait dépendre de la souplesse dont les États-Unis feront preuve à l'égard de certaines des demandes.

Des conditions telles que la normalisation des liens avec Israël pourraient être compliquées à réaliser à court terme, selon M. Lund, car l'histoire de la Syrie avec son voisin est beaucoup plus sanglante que celle des Etats arabes qui ont récemment normalisé leurs relations avec Israël, dans le cadre des accords d'Abraham en 2020.

Les deux pays sont officiellement en guerre depuis 1948 et Israël occupe depuis 1967 une partie du Golan syrien.

Autre défi: le retrait des combattants étrangers présents en Syrie, dont certains font partie des forces de M. Chareh, tandis que d'autres appartiennent à des factions extrémistes incontrôlables.

A Washington, la levée des sanctions ne sera pas aussi simple, selon Delaney Simon, analyste à l'International Crisis Group.

"Cela nécessitera un énorme effort bureaucratique et peut-être politique à Washington, ainsi que la mobilisation de différents départements du gouvernement américain, notamment ceux du Trésor, de l'Etat et du Commerce, ainsi que le Congrès", a-t-elle déclaré.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.