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Un reporter kurde iranien savoure sa liberté après l'enfer des camps de réfugiés australiens


Vendredi 15 novembre 2019 à 17h42

Wellington, 15 nov 2019 (AFP) — Le journaliste kurde iranien Behrouz Boochani profitait vendredi en Nouvelle-Zélande, où il vient d'arriver, de ses premiers instants de liberté après six années dans un camp de réfugiés australien en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un calvaire raconté dans un livre acclamé par la critique.

Canberra a relégué pendant des années les clandestins tentant de gagner ses côtes vers des camps offshore sur l'île papouasienne de Manus ou sur celle de Nauru, en application d'une politique d'immigration drastique condamnée par les organisations de défense des droits de l'Homme.

Behrouz Boochani, 35 ans, a longtemps été un contact précieux à l'intérieur de ces camps pour les médias internationaux cherchant à savoir ce qui s'y passait, voire le porte-parole officieux des réfugiés de Manus.

Il est arrivé en Nouvelle-Zélande dans la nuit avec un passeport délivré par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), sur un visa de touriste sponsorisé par Amnesty International.

Le journaliste et cinéaste doit présenter lors d'un festival littéraire à Christchurch, sur l'Île du Sud, son livre "No Friend But the Mountains: Writing from Manus Prison" ("Témoignage d'une Ile-Prison").

- "Heureux d'avoir survécu" -

Ce témoignage laborieusement rédigé sur un téléphone portable et envoyé par bribes via WhatsApp à un traducteur, a obtenu au début de l'année le prix Victoria pour la littérature, récompense littéraire la plus richement dotée d'Australie.

Il raconte son périlleux voyage d'Indonésie vers l'Australie, son arrestation et surtout, son expérience des camps depuis depuis 2013: la vie, la mort, les suicides, les actes d'automutilation et les souffrances psychologiques des réfugiés dans la moiteur papouasienne.

"C'est la première fois que je me sens heureux d'avoir survécu", a déclaré Behrouz Boochani au Guardian à son arrivée en Nouvelle-Zélande.

Il a aussi dit à Radio New Zealand qu'il n'avait pas encore songé à la suite, à une éventuelle demande d'asile en Nouvelle-Zélande, en expliquant que sa priorité était de partager son histoire personnelle.

"C'est la première fois que je peux me déplacer librement, alors je ne veux pas penser à cela", a-t-il dit au sujet de son avenir.

"Il va me falloir du temps pour réaliser que je suis libre", a-t-il ajouté en se disant "fatigué mais heureux" après son long voyage depuis Port Moresby.

"Pour l'instant, je veux profiter d'être ici, et je regarderai plus tard les possibilités (d'asile) car j'ai aussi été accepté par les Etats-Unis".

Le journaliste a dit espérer que la Nouvelle Zélande vienne en aide aux 250 demandeurs d'asile qui se trouvent toujours en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern avait proposé d'accueillir 150 réfugiés, mais cette offre a été refusée par Canberra.

Seule une poignée de demandeurs d'asile demeurent encore sur l'île de Manus où les camps gérés par l'Australie ont officiellement fermé. Les autres ont été réinstallés dans la capitale papouasienne.

M. Boochani avait fui l'Iran en 2013 quand le magazine kurde pour lequel il écrivait avait été la cible de descentes de l'armée en raison d'articles critiques du gouvernement. Il paya ensuite des passeurs, dont le bateau fut intercepté par les autorités australiennes. Il fut alors envoyé à Manus.

M. Boochani s'est dit heureux d'être à Christchurch, "une ville qui a donné une leçon" d'humanité et de bienveillance au monde après le carnage commis en mars dans deux de ses mosquées.

Aux termes d'une politique étrillée à l'étranger comme sur l'immense île-continent, Canberra a refoulé en mer à partir de 2013 tous les bateaux de clandestins.

L'Australie arguait qu'elle sauvait des vies avec cette politique, en dissuadant les migrants d'entreprendre un périlleux voyage. Les arrivées de bateaux, auparavant quasiment quotidiennes, sont aujourd'hui rarissimes.

Les clandestins qui passaient au travers des mailles du filet étaient envoyés dans des camps, sur l'île de Nauru ou sur celle de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ils étaient interdits d'installation permanente en Australie, même s'ils remplissaient les critères de l'asile.

Les associations de défense des droits de l'homme ont longtemps dénoncé les conditions de vie dans les camps, et l'impact psychologique de cette détention à durée indéterminée, notamment pour les enfants, accusant le gouvernement de ne pas offrir de vraie solution.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.