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Un QG de l'armée irakienne envenime la querelle entre Bagdad et le Kurdistan


Vendredi 16 novembre 2012 à 10h15

KIRKOUK (Irak), 16 nov 2012 (AFP) — Les relations empoisonnées qu'entretiennent le gouvernement irakien et la région autonome du Kurdistan, au nord du pays, traversent un nouvel orage avec la création à Kirkouk, une ville que se disputent les deux entités, d'un quartier général de l'armée irakienne.

Le Centre des opérations du Tigre --du nom du fleuve qui arrose l'Irak-- a ouvert dans la ville de Kirkouk début septembre, mais il couvre aussi la province qui lui emprunte son nom ainsi que celles de Diyala et Salaheddine, plus au sud.

La fureur du Kurdistan, déjà en bisbille avec Bagdad sur le dossier de l'exploitation de ses hydrocarbures, ne s'est pas fait attendre.

"La mise en place du Centre des opérations du Tigre à Kirkouk et Diyala est une mesure anticonstitutionnelle prise par le gouvernement irakien", a tonné Massoud Barzani, le président du Kurdistan, farouche opposant au Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, un Arabe chiite.

"Les objectifs (...) et les actions entreprises par ce Centre de commandement vont contre les intérêts du peuple kurde, du processus politique, de la coexistence et du processus de normalisation de la situation dans les régions" que se disputent Bagdad et le Kurdistan, a-t-il poursuivi.

En réponse, M. Maliki a enjoint les troupes kurdes des peshmergas à "s'abstenir de toute provocation" envers les forces de sécurité irakiennes.

"Nous appelons les peshmergas à éviter tout acte qui pourrait aggraver les tensions et l'instabilité dans ces zones, et nous leur conseillons de s'abstenir de tout contact avec les troupes gouvernementales", a-t-il encore expliqué dans un communiqué.

"Loi martiale"

Bagdad et Erbil, siège du gouvernement régional kurde, ont déjà d'énormes difficultés à s'entendre sur l'épineux dossier du pétrole, le gouvernement central qualifiant d'"illégaux" les contrats passés par le Kurdistan avec des compagnies étrangères sans son accord.

A cela s'ajoute la question des territoires revendiqués par l'un et l'autre, dont Kirkouk, où cohabitent Arabes, Kurdes et Turkmènes. Cette dernière dispute pourrait à terme menacer l'unité de l'Irak, à en croire analystes et diplomates.

La controverse suscitée par la création du Centre des opérations du Tigre en est l'ultime avatar.

Son chef, le général Abdulamir al-Zaïdi, met en avant le manque de coordination dont font preuve les services de sécurité dans la région de Kirkouk. Ces lacunes, estime-t-il, laissent le champ libre aux extrémistes et leurs actions violentes.

Mais le haut gradé assure que les forces irakiennes qu'il commande n'ont pas vocation à se substituer à la police locale de la ville de Kirkouk.

Ces propos n'ont pas suffi à calmer la colère du gouverneur de la province de Kirkouk, Najim al-Dine Omar Karim, un Kurde.

"Je commande la commission (provinciale) de la Sécurité, qui comprend la police, les services de renseignement, les peshmergas et la 12e brigade de l'armée irakienne. La coopération est déjà en place. Nous n'avons pas besoin d'un nouveau centre de commandement", assure-t-il.

"L'armée irakienne ne peut pas intervenir. Nous n'acceptons pas que la loi martiale nous soit imposée", poursuit-il.

Les troupes américaines avaient tenté de jouer les médiateurs dans les territoires disputés, en formant des patrouilles rassemblant des policiers et soldats irakiens et des peshmergas.

Mais ces efforts ont fait long feu. Depuis le départ de l'US Army en décembre dernier, les relations entre le Kurdistan et Bagdad n'ont cessé de se dégrader. Massoud Barzani a ainsi accusé M. Maliki de vouloir se lancer dans une offensive contre le Kurdistan en s'appuyant sur les chasseurs F-16 que Washington doit bientôt livrer à Bagdad.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.