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Un professeur britannique dénonce son expulsion "ridicule" de Turquie


Jeudi 17 mars 2016 à 14h51

Londres, 17 mars 2016 (AFP) — Un professeur d'université britannique, expulsé de Turquie pour "propagande pro-kurde", a dénoncé jeudi à l'AFP une décision "ridicule", contre laquelle il va faire appel pour pouvoir retourner à Istanbul auprès de sa femme et de sa fille.

Enseignant à l'université de Bilgi à Istanbul, Chris Stephenson, 66 ans, qui vit depuis 25 ans en Turquie, a été mis mercredi soir dans un avion pour Londres.

"J'ai été arrêté mardi lorsque je me suis rendu au procès de trois universitaires" stambouliotes, raconte-t-il. Ils avaient signé en janvier une pétition pour la paix dénonçant des "massacres" de civils lors des opérations menées par les forces de sécurité turques contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"En fouillant mon sac à l'entrée, ils ont trouvé des cartons d'invitations pour le Nouvel an kurde. On m'a alors arrêté sur le motif que je faisais de la propagande pour une organisation terroriste", a ajouté Chris Stephenson, qui avait lui-même signé la pétition pour la paix.

"C'est ridicule. Ces invitations ressemblaient à des cartes postales et avaient été imprimées par le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), qui est le troisième plus grand parti au Parlement turc", a-t-il ajouté.

"Le lendemain, après une nuit en garde à vue, le procureur n'a d'ailleurs pas poursuivi ce motif. Mais il a délivré à la place un avis d'expulsion, alors que je n'ai été reconnu coupable de rien", a déploré le professeur, marié depuis 19 ans à une Turque.

"Ma vie est là-bas, nous avons une fille âgée de 13 ans. Je vais faire appel devant le tribunal administratif pour faire annuler" l'expulsion, a-t-il précisé. Celle-ci est selon lui révélatrice du climat actuel en Turquie, où plusieurs universitaires et avocats prokurdes ont été arrêtés cette semaine.

"Cela fait un moment que je craignais quelque chose dans ce genre, car la situation empire en ce qui concerne les droits de l'homme et la liberté d'expression. J'ai signé la pétition pour la paix donc j'ai fait de moi une cible", a-t-il dit.

Mercredi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a relancé l'offensive contre ceux qu'il considère comme des complices du terrorisme, élus, journalistes ou intellectuels. Engagée depuis des mois, la guerre ouverte par M. Erdogan contre le HDP s'est encore durcie depuis l'attentat suicide meurtrier dimanche à Ankara, revendiqué par un groupe rebelle kurde, qui a fait 35 morts.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé une "campagne malveillante" de M. Erdogan pour "interdire, punir et faire taire toutes les critiques en Turquie".

En Allemagne, le magazine Der Spiegel a annoncé jeudi que son correspondant avait été contraint de quitter la Turquie, son accréditation n'ayant pas été renouvelée par les autorités, et dénoncé une décision portant atteinte "à la liberté de la presse".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.