
Samedi 13 mai 2006 à 06h18
SMUD (Irak), 13 mai 2006 (AFP) — "J'aimerais couper la tête de Saddam moi-même", martèle Sajalal Zawayan, un Kurde dont la famille a été exterminée pendant la campagne de répression menée dans les années 1980 par l'ancien régime de Saddam Hussein au Kurdistan d'Irak.
Sajalal a combattu sous le drapeau irakien contre l'Iran où il a été détenu comme prisonnier de guerre pendant neuf ans, avant de revenir dans son village en 1991, où il affirme avoir découvert que sa famille avait été exterminée et son village rasé par les troupes de Saddam Hussein.
"J'ai combattu pour Saddam et pendant que je pourrissais en prison, il a tué ma famille. Son procès n'est pas juste. Il n'y aura une justice que si on coupe chaque jour un morceau de son corps, jusqu'à ce que mort s'ensuive. J'aimerais lui couper la tête moi-même", lance-t-il.
Les parents de Sajalal, ses quatre frères et soeurs et leurs enfants ont été tués pendant les campagnes de répression anti-kurdes Anfal, qui ont fait plus de 100.000 morts dans le nord de l'Irak en 1988 et pour lesquelles Saddam Hussein et six coaccusés doivent être jugés pour "génocide".
Des récits comme celui de Zawayan sont légion à Smud (au sud de la ville de Kirkouk) qui est devenu un bidonville pauvre, poussiéreux et populeux, du fait de l'arrivée massive de Kurdes fuyant les violences.
"Quand j'ai découvert que ma famille avait été assassinée par Saddam, j'ai regretté de ne pas être resté prisonnier en Iran, pour ne pas savoir. Et puis, j'ai souhaité mourir avec eux", raconte Sajalal, qui a par la suite appris que sa femme et son bébé de trois mois avaient échappé aux massacres.
Smud compte quelque 30.000 habitants. Près de la moitié des familles vivent avec moins de trois dollars par jour, selon Aryan Rauf Aziz, représentant local du ministère des droits de l'Homme et chargé de la question d'Anfal.
"La population ne cesse d'augmenter car les gens n'ont pas les moyens d'aller ailleurs", selon lui.
Mohammed Hamid Mohammed est l'un des milliers de Kurdes qui ont été pris dans des rafles par les troupes du dictateur et conduits à Nougrasalman dans le sud de l'Irak où une vingtaine de membres de sa famille, dont son père, sont morts de faim, de mauvais traitements et de maladies.
"On nous donnait à boire de l'eau sale et un morceau de pain tous les deux ou trois jours. Dix à 15 prisonniers mouraient quotidiennement. On enterrait nous-mêmes les morts en creusant avec nos mains, mais les trous n'étaient pas assez profonds et les chiens dévoraient les corps", raconte Mohammed Hamid, qui avait 14 ans au moment de la répression.
Wali Mohammed Ali, un vieil homme qui ne se souvient plus de son âge, affirme avoir connu les combats des Kurdes contre les Britanniques en 1930.
"Tout ce que je possède, c'est Dieu. Je vis de la charité. Je prie Dieu pour un dinar (un dollar = 1.500 dinars)", raconte Ali qui dit avoir perdu sa femme, ses deux fils, ses trois frères et leurs proches dans son village de Qala Chamala, pendant les massacres des Kurdes sur ordre du président déchu.
Aujourd'hui, la colère reste encore profondément ancrée au sein de la population kurde et bon nombre d'entre eux n'hésitent pas à affirmer que le procès prévu de Saddam Hussein à propos de la campagne d'Anfal n'est pas à la hauteur des exactions dont il est accusé.
Les opérations Anfal ont été planifiées en 1987 pour ramener de nombreuses régions du Kurdistan sous le contrôle du pouvoir central à Bagdad.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.