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Un général turc mis en cause dans le cadre d'un attentat, l'armée irritée


Lundi 6 mars 2006 à 12h15

ANKARA, 6 mars 2006 (AFP) — Le commandant de l'armée de terre turque a été mis en cause par un procureur dans le cadre d'un attentat commis en novembre dans une zone kurde, une accusation qui a irrité l'armée qui combat les rebelles kurdes depuis 1984 dans cette région, rapporte lundi la presse turque.

Le général Yasar Büyükanit et plusieurs de ses subordonnés sont notamment soupçonnés d'avoir créé à la fin des années 1990 une "organisation clandestine criminelle" et d'"abus de pouvoir" alors que le général était en poste dans le sud-est à majorité kurde, selon l'acte d'accusation du procureur de Van (est) Ferhat Sarikaya, précisent les journaux à gros tirage Hürriyet et Sabah.

L'acte d'accusation concerne un attentat à la bombe commis le 9 novembre dernier qui avait fait un mort et six blessés dans une librairie de Semdinli, une localité du sud-est anatolien.

Une vague de violences avait embrasé la région à la suite de l'attentat, la population kurde réagissant à ce qu'elle percevait comme une provocation organisée par des éléments incontrôlés de l'armée.

Selon l'armée, le procureur a abusé de ses pouvoirs et une plainte pourrait être déposée à son encontre auprès du ministère de la Justice, selon les journaux.

Le général est en outre accusé d'avoir "influencé" les autorités judiciaires pour ses propos en faveur d'un sous-officier accusé par la justice d'être l'instigateur de l'attentat de Semdinli.

Une autorisation du chef d'état-major est nécessaire pour l'ouverture d'une enquête sur ces accusations.

Le général Büyükanit est le deuxième en rang dans la hiérarchie militaire et il devrait, en principe, être nommé à la tête de l'armée cet été.

Il est perçu comme un faucon au sein de l'armée turque, qui se considère comme la gardienne des principes laïques, et selon les médias, l'acte d'accusation dans lequel il est cité est un "prétexte pour les discréditer" alors qu'un parti issu de la mouvance islamiste (AKP, le parti de la Justice et du Développement) est au pouvoir en Turquie.

L'AKP qui est arrivé au pouvoir en 2002 affirme depuis n'avoir pas d'agenda caché mais les milieux pro-laïques lui soupçonnent d'avoir des objectifs pour islamiser la société.

Interrogé par Hürriyet, le général a affirmé que si nécessaire il comparaîtrait devant un tribunal. "Je serais fier d'être jugé", a-t-il dit.

Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan doit recevoir dans l'après-midi le chef de l'armée, le général Hilmi Özkök, afin vraisemblablement d'évoquer cette affaire.

Le même acte d'accusation réclame une peine de prison à vie contre deux sous-officiers et un rebelle repenti du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) pour participation à des actions visant à briser l'unité du pays, meurtre et tentative de meurtre.

Le sud-est anatolien a été entre 1984 et 1999 le théâtre d'un conflit sanglant entre les forces de sécurité et le PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, l'UE et les Etats-Unis.

Les combats ont fait plus de 37.000 morts.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.