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Un an de prison avec sursis requis contre un policier belge pour la mort d'une fillette kurde


Mardi 24 novembre 2020 à 21h17

Bruxelles, 24 nov 2020 (AFP) — mrUne peine d'un an de prison avec sursis a été requise mardi en Belgique contre un policier accusé d'avoir tiré sur une camionnette de migrants, tuant involontairement une fillette kurde de deux ans, lors d'une course-poursuite sur une autoroute en 2018.

Victor-Manuel Jacinto Goncalves, 48 ans, jugé pour homicide involontaire, avait exprimé des regrets lundi devant le tribunal correctionnel de Mons (sud), se disant "effondré" par le décès de la petite Mawda.

Mardi, dans son réquisitoire, l'accusation a pointé du doigt l'imprudence du policier belge, qui ne pouvait ignorer le grand danger encouru par les occupants de la camionnette, une trentaine de migrants dont plusieurs enfants qui fuyaient un contrôle.

"Tout homme raisonnable n'aurait pas tiré dans des circonstances similaires", a estimé la représentante du parquet, citée par la chaîne de radio-télévision RTBF.

Mais, a-t-elle ajouté, "aucun élément ne constitue un commencement de preuve selon lequel le policier aurait sciemment, volontairement, délibérément voulu porter atteinte à la vie d'autrui".

Une manière de balayer les arguments des avocats des parents de Mawda qui réclamaient que les faits soient qualifiés d'homicide volontaire.

Les faits remontent à la nuit du 16 au 17 mai 2018, sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles. Une camionnette remplie de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) accélère pour échapper à une voiture de police qui veut l'intercepter.

Face à ce refus d'obtempérer, l'un des policiers sort son arme par la fenêtre. Il vise le "pneu avant gauche" en doublant, selon ses explications au cours de l'enquête, mais un brusque coup de volant de son collègue dévie son tir.

A l'intérieur de la camionnette, Mawda, installée derrière le chauffeur, est touchée d'une balle qui lui traverse la tête. Elle décède dans l'ambulance.

Le policier auteur du tir a rapidement reconnu son geste.

Mais, a-t-il affirmé au procès, "si j'avais su qu'il y avait un enfant (à bord du véhicule pris en chasse), jamais j'aurais sorti mon arme".

- "Des procureurs extrêmement prudents" -

Son avocat Me Laurent Kennes a plaidé mardi sa relaxe, estimant que le chauffeur de la camionnette était le principal responsable du drame.

Inculpé au bout d'un an et demi et laissé libre par le juge d'instruction, M. Jacinto Goncalves comparaissait aux côtés de deux Kurdes d'Irak, placés eux en détention provisoire et contre lesquels le parquet a réclamé de la prison ferme.

Jargew Del, 20 ans, et Rasol Dilman Ahmed, 27 ans, sont accusés d'être respectivement le chauffeur de la camionnette et le passeur ayant récupéré le véhicule à Liège (est de la Belgique) pour transporter les migrants. Ils nient les faits qui leur sont reprochés.

Dix ans de prison ont été requis à l'encontre du premier (déjà condamné en France pour trafic d'êtres humains) et sept ans contre le second, décrit par le procureur comme le "convoyeur" ayant ordonné au chauffeur de ne pas s'arrêter pendant la course-poursuite.

Leurs avocats n'ont pas eu le temps de plaider mardi et une audience supplémentaire a été fixée au 10 décembre. Le tribunal devrait ensuite mettre son jugement en délibéré.

En Belgique, "les peines de prison pour les trafiquants d'êtres humains sont toujours extrêmement lourdes, entre cinq et dix ans", a commenté l'avocat Alexis Deswaef, de la Ligue des droits humains (LDH), une des ONG ayant soutenu les parents de Mawda.

Concernant le policier, Me Deswaef a en revanche jugé "surprenant" que ne soit demandé qu'un an avec sursis.

"Il y a une tendance peut-être naturelle, voire inconsciente, à ce que les procureurs soient extrêmement prudents quand il s'agit de juger des crimes et délits commis par des policiers", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Ce +deux poids deux mesures+ est difficilement acceptable, reste à voir si le réquisitoire sera suivi", a ajouté ce vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.