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Turquie: Un parti pro-kurde en congrès dénonce la menace d'incursion en Irak


Jeudi 8 novembre 2007 à 20h30

ANKARA, 8 nov 2007 (AFP) — Le principal parti pro-kurde de Turquie s'est opposé avec force jeudi lors d'un congrès à Ankara à la politique "militariste" du gouvernement et à ses menaces d'opérations militaires transfrontalières contre les camps des rebelles kurdes dans le nord de l'Irak.

Le deuxième congrès du Parti pour une société démocratique (DTP) a élu Nurettin Demirtas a la tête du parti. Il s'est tenu sur fond de menaces turques d'intervention dans le Kurdistan irakien où sont retranchés les séparatistes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"La politique militariste de l'AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) est inacceptable (...) Au lieu de dépenser le temps et l'énergie pour une opération transfrontalière, dépensons les pour instaurer la paix à l'intérieur", a affirmé Nurettin Demirtas dans un discours, quelques heures avant d'être élu à la tête du parti.

De strictes mesures de sécurité ont encadré la tenue de ce congrès, dans un pays où des attaques meurtrières du PKK dans le sud-est anatolien, peuplé majoritairement de kurdes, ont provoqué un sursaut de patriotisme.

M. Demirtas, considéré comme un "faucon" au sein du militantisme kurde et qui a été emprisonné dans sa jeunesse pour appartenance au PKK, a été ovationné pour ses propos prononcés devant un parterre de plusieurs centaines de militants de cette formation créé en 2005 dans la lignée de partis pro-kurdes dissous par la justice pour collusion avec le PKK.

Aujourd'hui encore, le DTP, dont plusieurs dirigeants sont jugés pour apologie du PKK ou de son chef emprisonné Abdullah Öcalan, est sous la menace d'une interdiction.

Le ministre de la Justice Mehmet Ali Sahin a indiqué mercredi soir que "l'opinion publique pense qu'ils (le DTP) ont des liens" avec le PKK et a affirmé que cette formation pourrait être interdite.

"S'ils insistent à servir les objectifs du PKK sur le terrain politique (...) ils en souffriront alors les conséquences", a-t-il averti.

Le DTP, qui refuse de considérer le PKK comme une organisation terroriste à l'instar d'Ankara, de Washington et des Européens, a réussi à faire envoyer 20 représentants au Parlement turc (550 sièges) lors des dernières élections législatives de juillet, une première pour un parti luttant essentiellement pour les droits des Kurdes.

Les projecteurs se sont braqués de nouveau sur le parti ces derniers jours après une embuscade, le 21 octobre, qui a coûté la vie à 12 soldats turcs. L'attaque attribuée à des rebelles infiltrés en Turquie depuis la montagne irakienne, a accru la probabilité d'une intervention turque en Irak.

Le parti au pouvoir avait fait adopter quelques jours auparavant à une très large majorité à l'Assemblée nationale une autorisation pour mener des opérations militaires au delà de la frontière. Le DTP a voté contre.

"L'AKP a volé les voix des Kurdes lors des élections en disant qu'il favorisait la paix, le scrutin passé, il ne parle que d'une opération transfrontalière", a souligné Nursel Aydogan, une dirigeante du parti.

Les médias font ces deux derniers jours leurs choux gras de l'information selon laquelle le mari de l'une des députés kurdes du DTP, Fatma Kurtulan, aurait rejoint le PKK dans les années 1990.

L'élue controversée présente au Congrès a refusé de répondre aux questions des journalistes sur son époux.

Les délégués arrivés des quatre coins de Turquie ont salué les réformes "insuffisantes" entreprises par Ankara pour se rapprocher des normes démocratiques européennes, mais étaient en revanche très sceptiques de l'efficacité d'opérations en Irak.

"Il y a eu 20 incursions militaires dans le passé et ils n'ont pas mis fin à l'existence du PKK. Pourquoi en lancer une nouvelle ?", a souligné Abdullah Ayhan, représentant Iskenderun (sud), l'ancienne Antioche.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.