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Turquie: un Nouvel An kurde dans la ferveur mais loin de la paix espérée


Vendredi 21 mars 2025 à 14h01

Diyarbakir (Turquie), 21 mars 2025 (AFP) — Trois semaines après l'appel du chef historique du PKK Abdullah Öcalan à déposer les armes, resté pour l'heure sans effet, les Kurdes de Turquie célèbrent vendredi Norouz, le Nouvel An kurde, avec ferveur mais loin de la paix espérée.

D'autant que la contestation qui s'est emparée du pays depuis l'arrestation cette semaine du populaire maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, figure de l'opposition, risque de compliquer encore la situation.

"Le gouvernement entraîne le pays dans des tribulations encore plus violentes en réduisant l'opposition au silence" a déploré vendredi l'un des responsables du DEM, parti prokurde et troisième force au parlement, Tuncer Bakirhan.

A Diyarbakir et dans les principales villes du sud-est du pays à majorité kurde, des milliers de personnes, en robes traditionnelles pour les femmes et châle sur les épaules pour les hommes, se sont retrouvées pour danser et célébrer le "retour de la lumière".

A cette occasion, un nouveau message du fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) était espéré. Malgré 26 ans de détention, il reste la figure tutélaire et respectée dont le portrait est brandi à bout de bras par la foule à chaque rassemblement.

Mais dans un communiqué vendredi, le DEM a regretté qu'une nouvelle demande de visite au vieux chef emprisonné soit demeurée "sans réponse des autorités".

Une délégation du DEM s'était rendue à trois reprises auprès de M. Öcalan, détenu depuis 1999 sur l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul. Elle en avait ainsi rapporté son message "pour la paix", lu le 27 février à Istanbul.

"La demande de la délégation n'ayant pas reçu de réponse, aucun message n'a été reçu de M. Öcalan pour le Norouz cette année", a annoncé le parti.

Le commandement militaire du PKK, replié dans les montagnes de Qandil, dans le nord de l'Irak, a répondu favorablement à l'appel de son chef historique, se disant prêt à déposer les armes immédiatement.

Il a appelé "Apo" ("oncle", en kurde) à présider en personne le congrès du PKK prononçant sa dissolution.

- Une date et un lieu -

En retour, le président turc Recep Tayyip Erdogan a juré le 1er mars de poursuivre les opérations anti-PKK "si les promesses faites ne sont pas tenues".

Aucune précision logistique n'a été apportée jusqu'ici sur la faisabilité d'un tel congrès du PKK, ni sur un éventuel déplacement de M. Öcalan, 75 ans.

Jeudi, le principal allié de M. Erdogan, le nationaliste Devlet Bahçeli, a proposé la date du 4 mai à Malazgirt, près du lac de Van, dans l'extrême est du pays.

"L'organisation terroriste séparatiste PKK doit immédiatement convoquer son congrès et décider de se dissoudre, de déposer ses armes et les rendre à la République afin d'éviter que l'appel d'Imrali du 27 février ne soit retardé (et) gâché", a déclaré Devlet Bahçeli, qui fut l'initiateur inattendu de ce rapprochement.

Depuis l'appel de M. Öcalan, les bombardements ont régulièrement frappé des positions kurdes, a dénoncé la semaine dernière l'un des dirigeants du PKK, Cemil Bayik, sur une chaîne de télévision kurde.

"Tenir un congrès dans ces conditions est impossible et dangereux", ajoutait-il.

En outre, un autre front préoccupe les autorités turques dans le nord-est de la Syrie. Ankara demande à Damas d'expulser les combattants du PKK présents au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS).

L'accord récent entre les nouvelles autorités syriennes, proches d'Ankara, et les FDS, dominées par les Kurdes, va "servir la paix", a salué M. Erdogan.

Mais l'arrestation de M. Imamoglu pour "corruption" et "terrorisme", après la destitution de 10 maires DEM du pays depuis l'an passé, risque d'entraver les efforts de collaboration entre le gouvernement et l'opposition, note Hamish Kinnear, analyste risques au cabinet d'intelligence économique Verisk Maplecroft.

"Pour l'instant, ils (le PKK) n'ont aucune motivation, compte tenu du chaos qui règne en Turquie. Si les choses se déroulent mieux en Syrie, cela pourrait leur ouvrir une porte", estime également Gönül Tol, du Middle East Institute à Washington.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.