Page Précédente

Turquie: retour annoncé des Kurdes au Parlement à la faveur des élections


Jeudi 19 juillet 2007 à 06h16

DIYARBAKIR (Turquie), 19 juil 2007 (AFP) — Treize ans après avoir été exclus du Parlement, des députés kurdes devraient y retourner à la faveur des législatives de dimanche avec des promesses de réconciliation alors que la recrudescence des violences séparatistes suscite la colère dans le pays.

Soixante membres du Parti pour une société démocratique (DTP) vont se présenter comme indépendants, une stratégie destinée a contourner la règle sur les 10 % minimum de voix au niveau national permettant à un parti d'entrer au Parlement.

Vingt à trente d'entre-eux pourraient être élus, selon les sondages, en raison du fort soutien dont ils bénéficient dans le sud-est du pays à majorité kurde.

A quelques jours du scrutin, l'excitation est palpable à Diyarbakir, la principale ville kurde du sud-est: les affiches des candidats sont omniprésentes et des milliers de volontaires font campagne en leur faveur.

"Nous allons voter pour les nôtres afin de montrer que nous existons dans ce pays et que nous aussi, nous avons une voix", explique Ferhat, un vendeur de légumes de 22 ans.

Les candidats font campagne sur le thème de la réconciliation entre Turcs et Kurdes. Ils appellent Ankara à abandonner l'option militaire contre les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) et à accroître les droits de cette minorité pour permettre un règlement pacifique du conflit vieux de 23 ans.

Ils sont cependant sans illusion sur l'accueil d'Ankara en cas d'élection.

"Nous savons que ce sera difficile mais nous agirons avec mesure. Les gens vont apprendre à mieux nous connaître au Parlement et vont bien voir que nous ne sommes pas des monstres", souligne l'une des candidates, Aysel Tugluk.

Le PKK a augmenté ses opérations cette année, alimentant les réactions nationalistes et les appels à une intervention dans le nord de l'Irak voisin où les rebelles disposent de bases arrières.

Le DTP a suscité la colère d'Ankara en refusant de condamner le PKK comme une organisation terroriste, alors que les Etats-Unis et l'Union européenne le considèrent comme telle.

"Le PKK n'est pas seulement une bande d'hommes armés. Il jouit d'un fort soutien parmi le peuple kurde", souligne un autre candidat, Selahattin Demirtas. "Le condamner reviendrait à condamner le peuple", ajoute-t-il.

Le DPT réfute tout lien avec le PKK, mais certains de ses membres reconnaissent que les rebelles ont une influence sur le parti.

"Le succès de nos députés dépendra de la façon dont l'establishment va les traiter et si le PKK soutient la démocratie ou fait pression sur eux pour qu'ils adoptent des positions radicales", confie un militant sous couvert de l'anonymat.

Le DTP veut obtenir une amnistie pour les membres du PKK, alors qu'Ankara exige une reddition.

Les premiers pas de la vingtaine de députés kurdes au Parlement ont pris fin sur un échec dramatique en 1994 quand leur immunité a été levée après avoir été accusés d'aider le PKK. Certains se sont retrouvés en prison, d'autres ont choisi l'exil et un a rejoint le PKK.

Depuis, sous la pression de l'Union européenne, la Turquie a accordé à la minorité kurde davantage de liberté dans le domaine culturel et levé l'état d'urgence dans le sud-est.

Les Kurdes continuent toutefois de se plaindre de discriminations. Ils réclament l'enseignement de leur langue à l'école et la reconnaissance de celle-ci dans la vie publique.

La pauvreté demeure également un grave problème dans cette région, où le chômage peut atteindre des pointes de 70 % dans les zones les plus défavorisées, tandis que de nombreux villages n'ont toujours pas l'eau courante et l'électricité.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.