Page Précédente

Turquie: ouverture du principal procès du leader pro-kurde Demirtas


Jeudi 7 decembre 2017 à 04h04

Ankara, 7 déc 2017 (AFP) — Le principal procès de Selahattin Demirtas, chef de file du principal parti prokurde turc et farouche opposant du pouvoir turc, s'ouvre jeudi près d'Ankara pour activités "terroristes" présumés.

M. Demirtas, 44 ans, a été arrêté avec une dizaine d'autres députés du Parti démocratique des peuples (HDP) le 4 novembre 2016, alors que les purges engagées après le putsch manqué de juillet 2016 s'étendaient aux milieux pro-kurdes.

Le co-président du HDP est poursuivi notamment pour appartenance à et direction d'une "organisation terroriste", "propagande terroriste" et "incitation à commettre des crimes". Il risque jusqu'à 142 ans de prison.

Les autorités turques accusent le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par Ankara, Washington et Bruxelles.

Mais le HDP a toujours rejeté ces accusations et affirme être visé pour des raisons politiques, du fait de son opposition virulente au président Recep Tayyip Erdogan.

Le parti affirme en effet que l'acte d'accusation de quelque 500 pages reproche principalement à M. Demirtas des faits relevant de son activité politique, citant notamment des discours et communiqués de presse.

Actuellement, neuf députés du HDP sont en prison, selon les chiffres du parti. Cinq de ses 59 députés élus en novembre 2015 ont également été déchus de leur mandat, dont sa co-présidente Figen Yüksekdag, également incarcérée et désormais remplacée à ce poste par Serpil Kemalbay.

L'arrestation des députés du HDP a été rendue possible par la levée en mai 2016 de l'immunité parlementaire des députés faisant l'objet de poursuites judiciaires, une mesure largement décriée par le HDP qui y voyait une manoeuvre du gouvernement pour l'évincer.

- Principal atout -

Le procès qui s'ouvre jeudi, à Sincan près d'Ankara, recouvre 31 dossiers qui ont été fusionnés par les autorités judiciaires. C'est dans le cadre de ce procès que M. Demirtas a été placé en détention préventive il y a maintenant près de 400 jours.

Depuis son arrestation, M. Demirtas, à l'encontre duquel près de 100 procédures judiciaires ont été engagées, ne s'est encore jamais présenté devant un tribunal. Il ne devrait pas être présent au tribunal de Sincan jeudi, la cour ayant ordonné qu'il comparaisse par visioconférence depuis la prison d'Edirne (nord-ouest).

Le HDP a dénoncé en novembre une lettre qui aurait été envoyée par le ministère de la Justice à tous les tribunaux qui poursuivent actuellement M. Demirtas les appelant à ne pas lui permettre de se présenter physiquement devant eux.

Par ailleurs, des cambrioleurs se sont infiltrés dimanche dernier dans le bureau de l'un des avocats de M. Demirtas et ont volé un ordinateur sur lequel se trouvait la défense qu'il avait préparée pour jeudi, selon la défense.

Avec M. Demirtas en prison, le HDP perd son principal atout alors que le pays se prépare à d'importantes élections municipales, législatives et présidentielle en 2019: cet avocat de formation, parfois surnommé le "Obama kurde", a transformé le parti en une formation de gauche moderne et progressiste, séduisant bien au-delà du seul électorat kurde.

Le HDP avait ainsi créé la surprise lors des élections législatives de juin 2015, raflant 80 sièges et privant ainsi le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) de la majorité absolue. Mais lors de nouvelles élections convoquées pour novembre de la même année, le HDP a perdu 21 députés.

Depuis sa cellule de prison, M. Demirtas a notamment publié un recueil de nouvelles, "Seher" ("Aurore") paru mi-septembre, et dont un premier tirage à 20.000 exemplaires s'est épuisé en trois jours, selon sa maison d'édition Dipnot, qui a affirmé à l'AFP en être actuellement à son 15e tirage et à 155.000 exemplaires mis sur le marché.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.