Samedi 5 juillet 2025 à 17h06
Istanbul, 5 juil 2025 (AFP) — Trois nouveaux maires du principal parti d'opposition en Turquie ont été arrêtés samedi dans le cadre d'une enquête sur des accusations de crime organisé dénoncée comme une "opération politique" par les responsables de cette formation.
Ces arrestations sont les dernières en date d'élus du Parti républicain du peuple (CHP), sur lequel le gouvernement turc exerce une pression croissante depuis sa large victoire face au parti AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections locales de 2024.
Elles sont liées à une enquête sur des allégations de corruption qui a abouti à la destitution en mars du puissant maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, le plus important rival politique de M. Erdogan et le candidat du CHP pour la présidentielle de 2028.
L'incarcération de M. Imamoglu avait déclenché des manifestations de masse et les pires émeutes que la Turquie ait connues depuis 2013.
En début de semaine, la police a arrêté 137 personnes dans le cadre d'une enquête sur des allégations de corruption dans le bastion de l'opposition d'Izmir, la troisième ville du pays.
Les trois maires arrêtés samedi, Zeydan Karalar, Muhittin Bocek et Abdurrahman Tutdere, sont respectivement à la tête des villes d'Adana, d'Antalya et d'Adiyaman, dans le sud et le sud-est de la Turquie.
Au moment où il était emmené par des policiers, un journaliste est parvenu à interroger le maire d'Adana sur la raison de son arrestation. "Là où il y a un journaliste ou un politicien influent, ils le réduisent au silence", a répondu M. Karalar, selon les images diffusées sur les réseaux sociaux.
- "Injustice" -
"Nous ne nous inclinerons pas devant l'injustice, l'anarchie ou les opérations politiques", a réagi sur X Mansur Yavas, le maire d'Ankara. L'édile de la capitale turque a fustigé "un système où la loi plie et varie selon la politique, où la justice s'applique à un groupe et pas un autre".
Le parti pro-kurde DEM, le troisième plus important au Parlement turc, a également dénoncé les arrestations. "Cette persécution des élus doit cesser", a écrit Tulay Hatimogullari, co-présidente du DEM, sur X.
"Ne pas reconnaître la volonté du peuple provoque de profonds clivages au sein de la société", a-t-elle écrit. "Ces opérations ne constituent pas une solution, mais bloquent la route vers une Turquie démocratique", selon elle.
Le DEM a collaboré étroitement avec le gouvernement Erdogan pour aider à mettre un terme au conflit qui dure depuis des décennies avec les Kurdes.
Il a facilité les pourparlers qui, en mai, ont amené les militants kurdes du PKK à mettre un terme à leur lutte armée, un conflit qui a coûté la vie à près de 40.000 personnes.
Le leader du CHP Ozgur Ozel a qualifié les arrestations de samedi d'"opération sale menée par un politicien", en faisant référence au procureur général d'Istanbul, Akin Gürlek, qui a ordonné la plupart des enquêtes visant le CHP. Ce magistrat a été vice-ministre de la Justice en 2022 avant d'être nommé à son poste actuel en octobre 2024.
Recep Tayyip Erdogan de son côté a accusé le CHP d'utiliser les manifestations pour détourner l'attention des enquêtes pour corruption.
Le CHP "tente de dissimuler ses crimes et de blanchir ses criminels par des manifestations afin d'affaiblir nos institutions judiciaires", a-t-il déclaré samedi selon des propos relayés par l'agence de presse officielle Anadolu.
Mardi, plus de 10.000 personnes ont participé à un rassemblement de protestation à l'appel du CHP devant l'hôtel de ville d'Istanbul pour marquer les 100 jours depuis l'emprisonnement d'Ekrem Imamoglu.
Lundi, un tribunal d'Ankara a entamé l'examen d'une affaire concernant des allégations d'achat de votes lors des primaires du parti en 2023, ce qui pourrait entraîner l'annulation de l'élection d'Ozgur Ozel, qui s'est fait connaître pour son rôle dans la coordination des manifestations du mois de mars.
La police a également arrêté le maire adjoint du district de Buyukcekmece à Istanbul, Ahmet Sahin.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.