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Turquie: Les rebelles kurdes défient Ankara avec une stratégie de choc


Mercredi 3 octobre 2012 à 12h50

ISTANBUL, 03 oct 2012 (AFP) — Dans le sud-est de la Turquie, les rebelles kurdes défient Ankara depuis deux mois avec une nouvelle stratégie de choc: l'occupation et la défense de "zones libres". La victoire militaire est improbable mais l'impact psychologique important, estiment les analystes.

Le 23 juillet, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui lutte depuis 1984 pour l'indépendance du sud-est anatolien peuplé en majorité de Kurdes, a annoncé une vaste opération de "maîtrise du terrain" dans les zones montagneuses entourant la localité de Semdinli, aux confins de l'Irak et de l'Iran.

"L'objectif n'est plus seulement de frapper la partie adverse, c'est de réaliser l'autonomie démocratique, de construire l'administration autonome démocratique du peuple kurde", a déclaré un des cadres du PKK, Duran Kalkan, cité par l'agence de presse Firat News, proche des rebelles.

Depuis, le PKK a revendiqué la "maîtrise" de trois autres réduits montagneux, tous situés le long de la frontière avec l'Irak, un pays dans le nord duquel les rebelles disposent de bases.

Concrètement, la "maîtrise du terrain", "cela ne veut pas dire que ces zones sont sous le contrôle total des guérilleros et que les troupes ont été chassées", affirme à l'AFP la députée Gülten Kisanak, du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), pro-kurde.

"Cela veut dire que les troupes sont cantonnés dans leurs casernes et ne sortent pas pour des opérations, parce que la guérilla est là. Ils (les rebelles) ont le contrôle des routes, effectuent des contrôles d'identité à des barrages routiers, plantent parfois des drapeaux", poursuit-elle.

La plupart des analystes doutent toutefois de la capacité --et de la volonté-- du PKK à défendre durablement ces positions face à la deuxième armée la plus puissante de l'Otan.

"Pour un groupe comme le PKK, qui dispose d'un nombre limité de militants armés, il n'est pas possible de défendre physiquement un territoire, c'est contre nature et contre toute logique", estime Nihat Ali Özcan, spécialiste des questions de sécurité à l'institut de recherches TEPAV.

Avantage psychologique

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Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a d'ailleurs déjà annoncé la défaite du PKK à Semdinli, après le lancement en septembre dans la région d'une opération impliquant quelque 5.000 militaires.

"La leçon qu'ils ont reçue là-bas a été très lourde", a déclaré M. Erdogan le 26 septembre, évoquant un bilan de 239 rebelles et 144 membres des forces de sécurité tués depuis le début de l'année.

Pour Irfan Aktan, journaliste spécialiste de la question kurde, les opérations de l'armée n'ont cependant pas mis fin à la présence du PKK dans ces zones. "D'après nos informations, ce sont quelque 1.000 militants (du PKK) qui sont arrivés dans les campagnes de Semdinli, Daglica, Cukurca et Yuksekova (province de Hakkari, sud-est). Même si 200 ont été tués, il en reste encore 80%", affirme M. Aktan.

Surtout, le PKK, en dépit des pertes, a marqué des points sur le plan psychologique, ajoute le journaliste: "Il a démontré que s'il le voulait, il pouvait organiser de très grosses opérations".

Des opérations qui ne sont pas restées sans effet sur l'opinion publique, ce qui était sans doute l'objectif recherché par les rebelles, complète M. Özcan.

"Quand le nombre des pertes s'accroît, ça influe sur l'opinion publique qui exerce des pressions sur le gouvernement", affirme l'analyste, rappelant que dans son discours du 26 septembre, le Premier ministre, après avoir constaté l'échec supposé du PKK, n'en avait pas moins évoqué la possibilité de négociations avec les rebelles.

"Si (des) discussions nous permettent de régler quelque chose, faisons-le", avait déclaré M. Erdogan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.