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Turquie: les affrontements entre le PKK et l'armée mettent la rue sous tension


Mercredi 9 septembre 2015 à 17h36

Ankara, 9 sept 2015 (AFP) — Le principal parti prokurde de Turquie a mis en garde mercredi contre les risques de "guerre civile" dans le pays après avoir été la cible d'une vague de violences nourries par les affrontements meurtriers entre forces de sécurité turques et rebelles kurdes.

Pour la deuxième nuit consécutive, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes turques pour dénoncer les "terroristes" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et ont visé les locaux du Parti démocratique des peuples (HDP), accusé par le gouvernement de soutenir le groupe rebelle.

"Ces attaques sont pilotées d'une seule main, celle de l'Etat", a accusé devant la presse le coprésident du HDP Selahattin Demirtas, "ils veulent provoquer la guerre civile et ce qui s'est passé depuis deux jours en est la répétition générale".

Dans la capitale Ankara, des groupes de manifestants ont investi le quartier général du HDP et mis le feu à une pièce où étaient stockées les archives du parti. Un incendie a également dévasté le siège du mouvement à Alanya (sud).

M. Demirtas a recensé mercredi "plus de 400 attaques" visant son mouvement.

Un de ses collègues députés, Ertugrul Kürkçu, a même évoqué une "nuit de Cristal", en référence au pogrom ordonné par les nazis contre les juifs en 1938.

Le siège du quotidien Hürriyet, proche de l'opposition, à Istanbul a lui aussi été attaqué mardi soir, pour la deuxième fois en quarante-huit heures, aux cris de "Dieu est grand" par des partisans du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.

Comme le Premier ministre Ahmet Davutoglu dès mardi soir, le porte-parole du gouvernement islamo-conservateur, Numan Kurtulmus, a "maudit" les auteurs de ces dérapages et nié tout lien avec eux. "C'est un mensonge", a-t-il assuré.

Depuis la fin juillet, des affrontements meurtriers font rage entre l'armée et le PKK dans le sud-est à majorité kurde du pays. Ils ont fait voler en éclat les discussions engagées en 2012 par le gouvernement d'Ankara avec les rebelles pour mettre un terme à un conflit qui a fait 40.000 morts depuis 1984.

- Marche sur Cizre -

Le sud-est du pays est depuis plongé dans un état de guerre. Aux embuscades du PKK, qui ont provoqué la mort de 30 soldats ou policiers depuis dimanche, succèdent les représailles de l'armée contre les bases arrière du PKK dans le nord de l'Irak.

La situation est très tendue dans cette partie de la Turquie, quadrillée par les forces de sécurité. Des élus du HDP, M. Demirtas en tête, ont entamé mercredi une marche pour rompre le "blocus" imposé depuis six jours à la ville de Cizre où, selon eux, au moins sept civils ont été tués.

Cette escalade de la violence intervient à moins de deux mois des élections législatives anticipées convoquées le 1er novembre.

Le chef du HDP a accusé M. Erdogan de souffler sur les braises du conflit kurde à des fins politiques.

"Ce n'est pas nous qui avons décidé de plonger ce pays dans la guerre (...) c'est une décision qui a été prise par le président et par le gouvernement", a-t-il lancé. "Ils veulent nous dire +si vous ne nous donnez pas 400 députés, vous allez le payer+".

Lors du scrutin du 7 juin, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan a perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis douze ans au Parlement, en partie à cause du très bon score (13%) réalisé par le parti prokurde. Le président fait campagne pour que son parti retrouve cette majorité, en vue d'établir un régime présidentiel fort.

Dans ce climat de tension, les présidents de l'opposition social-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu, et nationaliste, Devlet Bahçeli, ont appelés au calme et à "l'unité" du pays.

Mais le vice-Premier ministre Yalçin Akdogan a remis de l'huile sur le feu. "Le HDP agit comme (...) la branche politique" du PKK, a-t-il proclamé. Et un éditorialiste du quotidien proche du régime Star a menacé dans ses colonnes un de ses collègues du journal Hürriyet de "l'écraser comme une mouche".

"C'est le chaos, et l'insistance d'Erdogan à vouloir présidentialiser le système est son seul responsable", a commenté à l'AFP Cengiz Aktar, professeur de sciences politiques à l'université Süleyman Shah d'Istanbul. "Si ça continue comme ça, la Turquie va s'engouffrer dans une guerre civile", a-t-il pronostiqué.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.