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Turquie: le problème kurde perturbe la campagne pour les législatives


Vendredi 6 mai 2011 à 17h45

ISTANBUL, 6 mai 2011 (AFP) — Le problème kurde vient perturber une campagne électorale jusque-là sans anicroche pour le parti islamo-conservateur du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, donné favori pour les élections législatives du 12 juin.

"La tension monte autour de la question kurde et les responsabilités sont partagées", estime l'analyste Mehmet Ali Birand, de la télévision Kanal D.

Les rebelles kurdes ont revendiqué vendredi une attaque meurtrière contre un convoi routier du Parti de la justice et du développpement (AKP) au pouvoir.

Cette embuscade a été menée "en représailles à la terreur exercée par la police sur le peuple" kurde, a déclaré le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée depuis 1984 pour la défense des droits de cette commuanuté.

Un commando a attaqué à la grenade et au fusil d'assaut une voiture de police escortant un autobus de l'AKP, près de Kastamonu (nord), où M. Erdogan venait de prononcer un discours. Un policier a été tué et un autre blessé.

L'attentat "visait la police (...) non les civils ou le Premier ministre", a cependant précisé le PKK.

Mais le leader emprisonné du PKK Abdullah Öcalan a, par le biais de ses avocats, menacé le régime d'une "guerre", s'il refuse de négocier après les élections.

"Soit un processus de négociations sérieuses commencera après le 15 juin, soit ce sera le début d'une grande guerre", a-t-il affirmé, dans des propos rapportés par l'agence de presse Firat.

La semaine dernière, l'armée a tué sept rebelles du PKK dans le sud-est du pays, où la police a multiplié les arrestations.

Et la région était déjà en ébullition il y a deux semaines, avec de violentes manifestations, après l'éviction de sept candidats kurdes aux législatives. Une décision qui a finalement été annulée pour six d'entre eux.

Jeudi soir, une organisation rassemblant de nombreux responsables kurdes, dont ceux du parti pro-kurde BDP (Parti pour la paix et la démocratie), a averti qu'elle pourrait appeller au boycottage des élections si les opérations militaires et les arrestations se poursuivent.

Un boycottage des élections par le BDP serait un revers pour M. Erdogan, a expliqué M. Birand à l'AFP.

"La légitimité des élections serait en cause", et M. Erdogan serait très embarrassé, "car il veut faire la démonstration d'une élection démocratique, à laquelle tout le monde participe", a-t-il dit.

Malgré certaines réformes en faveur des Kurdes qui représentent environ 15 millions des 73 millions d'habitants de la Turquie, le gouvernement est accusé d'avoir trompé l'opinion en promettant l'an dernier une solution durable au problème kurde, sans prendre de mesures effectives.

L'AKP, qui brigue une troisième victoire consécutive le 12 juin, est donné gagnant par tous les sondages, devant le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) et le MHP (Parti de l'action nationaliste, nationaliste).

M. Erdogan se prévaut d'une économie en pleine croissance, et il vient d'annoncer le creusement d'un canal parallèle au Bosphore, un projet pharaonique qui séduit au-delà de son électorat.

Un tableau séduisant que ternit le problème kurde.

Mais, affirme M. Birand, "les deux parties trouvent un peu leur compte dans cette tension sur la question kurde".

"Erdogan veut prendre des voix au MHP, donc il mène une politique nationaliste et s'en prend aux Kurdes", accusés de menacer l'unité nationale, affirme-t-il.

Quant au parti pro-kurde, "il montre ses muscles et fait la démonstration qu'il défend sa communauté", ajoute-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.