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Turquie: le principal parti pro-kurde remplace son dirigeant incarcéré


Dimanche 11 février 2018 à 04h02

Ankara, 11 fév 2018 (AFP) — Le principal parti prokurde de Turquie élit dimanche ses nouveaux chefs, pour remplacer notamment son charismatique leader incarcéré, Selahattin Demirtas, en vue d'élections nationales cruciales en 2019.

Le congrès de dimanche se tient au moment où le Parti démocratique des peuples (HDP) est le seul parti élu au parlement à s'opposer à l'offensive militaire menée par la Turquie dans l'enclave syrienne d'Afrine, pour en déloger une milice kurde considérée comme une organisation terroriste par Ankara mais alliée des Etats-Unis dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI).

Dans un appel à une intervention de la communauté internationale, le HDP a qualifié cette opération d'"invasion" s'attaquant "aux Kurdes en tant que peuple".

Déjà fortement affecté par les purges qui ont suivi le putsch manqué de l'été 2016, le HDP affirme que plus de 350 de ses membres ont été arrêtés pour leur opposition à cette opération baptisée "Rameau d'olivier" et lancée le 20 janvier.

Le président Recep Tayyip Erdogan avait en effet appelé à l'unité nationale autour de cette offensive, mettant en garde ceux qui s'y opposeraient.

Le congrès de dimanche se tient donc dans un environnement tendu et a pour principal objectif de trouver un successeur à Selahattin Demirtas, 44 ans, dont huit à la tête du parti.

M. Demirtas a été arrêté avec une dizaine d'autres députés du HDP en novembre 2016, alors que les purges lancées après le putsch manqué s'étendaient aux milieux prokurdes.

Accusé notamment de diriger une "organisation terroriste", de "propagande terroriste" et d'"incitation à commettre des crimes", il risque jusqu'à 142 ans de prison et a annoncé début janvier ne pas souhaiter se présenter à sa propre succession.

Les autorités turques accusent le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par la Turquie, l'Union européenne et les Etats-Unis.

Mais le parti, troisième formation au Parlement, rejette ces allégations, affirmant être visé en raison de sa ferme opposition au président Erdogan.

- 'Figure importante' -

Depuis juillet 2015 et la rupture d'un fragile cessez-le-feu avec le PKK, 3.300 membres du HDP ont été incarcérés, selon le parti.

"Cette atmosphère (de persécution) est si répandue, si systématique et si enracinée que nous sommes conscients de devoir faire de la politique dans ces conditions", explique à l'AFP Ayhan Bilgen porte-parole du HDP.

Se présentant comme étant à l'avant-garde sur les questions féministes, le HDP place à la fois un homme et une femme aux postes à responsabilité. Ainsi, M. Demirtas partage actuellement la coprésidence du parti avec Serpil Kemalbay, nommée en mai pour succéder à Figen Yüksekdag, elle-même incarcérée et déchue de son mandat de députée.

La désignation des leaders du parti est particulièrement importante à l'approche des élections législatives et présidentielle de novembre 2019.

Beaucoup doutent en effet que le HDP puisse réitérer son exploit de 2015, lorsqu'il avait raflé 80 sièges aux élections législatives de juin, privant ainsi le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) de la majorité absolue. Lors de nouvelles élections convoquées pour novembre de la même année, le HDP a perdu 21 députés.

En plus de Mme Yüksekdag, six autres de ces députés élus en 2015 ont été déchus de leur mandat, dont un cette semaine, Ferhat Encu, condamné à 4 ans d'emprisonnement pour "propagande terroriste".

La percée initiale du HDP tient en grande partie à la personnalité de M. Demirtas, qui a transformé le parti en une formation de gauche moderne et progressiste, séduisant bien au-delà du seul électorat kurde.

Mais "que M. Demirtas soit ou non candidat, qu'il soit ou non coprésident, il reste une figure importante de la vie politique et il continuera à faire de la politique quelles que soient les conditions", assure M. Bilgen.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.