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Turquie: le parti pro-kurde HDP privé d'aides publiques


Jeudi 5 janvier 2023 à 15h01

Ankara, 5 jan 2023 (AFP) — Nouveau coup dur pour l'opposition au président Erdogan: la Cour constitutionnelle turque a décidé jeudi de priver d'aides publiques le troisième parti du pays, le HDP pro-kurde, accusé par les autorités de liens avec le "terrorisme".

Le Parti démocratique des peuples (HDP), qui rejette ces accusations, est également sous le coup d'une menace de fermeture, à moins de six mois des élections présidentielle et législatives.

Une décision pourrait intervenir mardi.

Selon la chaîne privée NTV, 539 millions de livres turques (28,7 millions de dollars) devaient être accordés par l'Etat turc au HDP cette année, dont un tiers avant le 10 janvier.

La décision de priver de financements publics le HDP - troisième formation politique au Parlement - a été adoptée par 8 voix pour et 7 contre, ont rapporté plusieurs médias turcs.

Le parti, considéré par certains analystes comme le "faiseur de rois" de la prochaine élection présidentielle prévue en juin, a aussitôt qualifié la décision de "détournement du droit", remettant en cause l'indépendance de la Cour constitutionnelle.

"Cette décision (...) vise à empêcher un processus électoral juste et démocratique et à ignorer la volonté des électeurs", a réagi le HDP sur Twitter.

"Un nouveau coup a été porté à la démocratie aujourd'hui", a lancé Ebru Günay, députée et porte-parole du HDP lors d'une conférence de presse organisée jeudi à Istanbul.

- "Mépris pour les électeurs" -

"Voler au HDP les fonds auxquels il a droit à l'approche des élections, en parallèle de la demande de fermeture [du parti], montre un mépris total pour les règles démocratiques et les droits de millions d'électeurs", a réagi sur Twitter Emma Sinclair-Webb, représentante de l'ONG Human Rights Watch (HRW) en Turquie.

Cette décision est une "nouvelle preuve que le gouvernement d'Erdogan utilise les tribunaux pour désavantager, éliminer et punir l'opposition politique", a-t-elle ajouté.

Mi-décembre, un tribunal turc avait déjà condamné le populaire maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, candidat potentiel à la présidentielle de juin, à plus de deux ans et demi de prison et à une interdiction d'activité politique pour avoir qualifié d'"idiots" ceux qui avaient invalidé son élection à la mairie d'Istanbul en 2019.

L'édile, opposant médiatique, peut pour l'heure conserver ses fonctions, l'appel déposé par ses avocats étant suspensif, mais une enquête distincte pour des accusations de "terrorisme" contre la municipalité d'Istanbul pèse également sur lui, rendant son avenir politique incertain.

- Répression implacable -

Dans son acte d'accusation, le procureur général en charge du dossier du HDP a affirmé que la principale formation pro-kurde est liée "de façon organique" au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé qualifié de "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux.

L'armée turque a lancé fin novembre une série de raids aériens contre des positions du PKK et d'autres combattants kurdes dans le nord de l'Irak et de la Syrie.

Le HDP fait l'objet d'une répression implacable depuis 2016, année où son chef de file Selahattin Demirtas a été arrêté.

M. Demirtas a été condamné deux ans plus tard à quatre ans et demi de prison, et nombre de responsables et de sympathisants du HDP ont été également arrêtés.

En parallèle, des dizaines de maires HDP élus dans le sud-est majoritairement kurde de la Turquie ont été remplacés ces dernières années par des administrateurs nommés par le gouvernement.

Depuis les années 1990, près d'une dizaine de partis pro-kurdes ont été interdits ou se sont auto-dissous avant leur suspension.

Le HDP avait obtenu 12% des suffrages aux élections législatives de 2018, faisant élire près de 60 députés sur 579.

Le premier tour de la prochaine élection présidentielle est programmé pour le 18 juin, mais le président Erdogan - au pouvoir depuis 2003, comme Premier ministre puis comme président - a affirmé jeudi que cette date pourrait être "avancée un peu".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.