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Turquie: le leader kurde détenu Demirtas dit abandonner toute ambition politique


Mercredi 10 janvier 2018 à 06h47

Ankara, 10 jan 2018 (AFP) — Le leader du principal parti prokurde de Turquie, Selahattin Demirtas, incarcéré depuis novembre 2016 pour activités "terroristes", a affirmé avoir abandonné toute ambition politique personnelle, après avoir renoncé à la présidence de sa formation.

"Faire carrière en politique n'est pas quelque chose qui me préoccupe. La seule position que j'adopte, c'est de me battre pour la démocratie, la liberté, les droits de l'homme et la paix", a affirmé M. Demirtas dans des réponses écrites à des questions de l'AFP transmises par l'intermédiaire de ses avocats.

"Je suis déterminé à défendre cette position en tout temps et en tout lieu. C'est pour cela que je n'ai pas pour projet d'être député, chef de parti ou candidat à la présidence", a ajouté M. Demirtas, à l'approche d'élections municipales, législatives et présidentielle en 2019.

Cet avocat de formation avait déjà annoncé la semaine dernière qu'il ne se présenterait pas pour un nouveau mandat à la co-présidence du Parti démocratique des peuples (HDP) lors d'un congrès prévu le 11 février.

M. Demirtas, 44 ans, dont huit à la tête du parti, a été arrêté avec une dizaine d'autres députés du HDP en novembre 2016, alors que les purges lancées après le putsch manqué de juillet 2016 s'étendaient aux milieux prokurdes.

- 'Forte pression' -

M. Demirtas a expliqué qu'il était actuellement détenu dans la prison d'Edirne (nord-ouest), dans une cellule partagée avec un autre détenu. Sa famille est autorisée à lui rendre visite une heure par semaine.

M. Demirtas s'est révélé sur la scène nationale lors de l'élection présidentielle de 2014, où il a frôlé les 10% et s'est imposé comme le principal rival du président Recep Tayyip Erdogan.

Accusé notamment de diriger une "organisation terroriste", de "propagande terroriste" et d'"incitation à commettre des crimes", le leader pro-kurde risque jusqu'à 142 ans de prison.

"Le système judiciaire en Turquie a toujours été mauvais, mais, désormais, il est complètement fini, sans issue et les procédures sont sous forte pression", a-t-il déclaré.

Depuis son arrestation, M. Demirtas, contre lequel une centaine de procédures judiciaires ont été engagées, n'a encore jamais comparu devant un tribunal.

Estimant que sa détention vise à "briser (sa) volonté", M. Demirtas continue néanmoins de croire en sa libération.

"Je serai certainement libéré un jour, mais ce ne sera pas grâce à une décision judiciaire juste, ce sera du fait de développements politiques", a-t-il avancé.

- Approche 'opportuniste' -

Les autorités turques accusent le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par la Turquie, l'Union européenne et les Etats-Unis.

Mais le parti, troisième formation au Parlement, rejette ces allégations, affirmant être visé en raison de son opposition énergique au président Erdogan.

Selon le HDP, neuf de ses 59 députés élus en novembre 2015 sont actuellement en prison. Et cinq d'entre eux ont également été déchus de leur mandat, dont son ancienne co-présidente Figen Yüksekdag, également incarcérée et remplacée à ce poste par Serpil Kemalbay en mai dernier.

Face aux combats quasi-quotidiens entre forces de sécurité et rebelles kurdes qui ensanglantent le sud-est à majorité kurde de la Turquie depuis la rupture d'un cessez-le-feu à l'été 2015, M. Demirtas se montre peu optimiste quant à une solution à ce conflit qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Dénonçant une approche "opportuniste" du gouvernement sur la question kurde, M. Demirtas a déclaré que "la politique qui met pression sur les Kurdes et les restreint en utilisant la violence et la guerre se poursuit".

Par conséquent, a-t-il déploré, "une solution politique semble très compliquée aujourd'hui".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.