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Turquie : la destitution d'un maire pro-kurde mobilise l'opposition


Lundi 3 juin 2024 à 22h56

Ankara, 3 juin 2024 (AFP) — Le maire prokurde de Hakkari, une ville de l'extrême sud-est de la Turquie, a été destitué et remplacé par le gouverneur pour "appartenance à une organisation armée terroriste", suscitant une vague de réprobation au sein de l'opposition.

Il s'agit de la première destitution d'un maire prokurde depuis les élections municipales du 31 mars, au cours desquelles le parti prokurde DEM a obtenu 77 municipalités à travers la Turquie.

Le maire, Mehmet Siddiq Akis, a été placé en garde à vue pour "appartenance à une organisation terroriste" selon le ministère de l'Intérieur.

"Cette illégalité ne vise pas seulement les habitants de Hakkari ou le parti DEM, c'est une atteinte à la liberté de vote", a jugé Gulistan Kiliç Kocyigit, la vice-présidente du groupe parlementaire DEM (ex-HDP), la troisième force au Parlement.

"Nous invitons l'opinion publique démocratique à réagir à cette illégalité", a-t-elle ajouté.

Réagissant à cette invite, le CHP, première force d'opposition au sein du Parlement, a exprimé son soutien à l'édile destitué et annoncé en début de soirée l'envoi d'une délégation du parti sur place, à Hakkari.

"La nomination d'un maire de substitution à Hakkari montre que le gouvernement n'a pas entendu le message" envoyé par les électeurs lors des municipales du 31 mars, a estimé le porte-parole du CHP, Deniz Yücel.

Selon Mme Kocyigit, une délégation de parlementaires et de dirigeants du parti DEM s'est également rendue à Hakkari.

Mais alors que le gouverneur de la ville a interdit toute manifestation pour les dix prochains jours, les rassemblements de soutien au parti DEM et à ses élus n'ont pas davantage pu se tenir à Istanbul ou à Diyarbakir, la principale ville kurde du sud-est.

"Et voilà, ça recommence", a réagi sur X le rapporteur sur la Turquie au Parlement européen Nacho Sanchez Amor.

Une cinquantaine de maires du parti prokurde élus en 2019 avaient été remplacés par des administrateurs, des "kayyoums", nommés par l'Etat.

Cette "attaque flagrante aux principes démocratiques" est pour l'eurodéputé "le moyen le plus rapide pour le gouvernement turc de démolir tout espoir de relance de l'adhésion".

Des images diffusées sur X par le compte de l'association étudiante militante Ögrenci Faaliyeti ont montré les forces de l'ordre bloquer l'accès au point de rendez-vous à Istanbul.

D'autres images partagées sur le même réseau social ont montré plusieurs dizaines de personnes rassemblées à Hakkari et Diyarbakir malgré l'interdiction.

"Mehmet Siddik Akis a été démis de ses fonctions à titre provisoire", a affirmé le ministère de l'Intérieur sur X, précisant que le gouverneur, Ali Celik, avait été nommé "vice-maire", à sa place.

Le DEM est régulièrement accusé par le gouvernement turc de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe armé considéré comme terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, ce que ce parti dément.

L'ancien coprésident de cette formation, Selahattin Demirtas, incarcéré depuis 2016, a été condamné en mai à 42 ans de prison, notamment pour atteinte à l'unité de l'Etat.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.