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Turquie : la campagne contre le principal parti prokurde se poursuit


Mardi 13 decembre 2016 à 20h15

Ankara, 13 déc 2016 (AFP) — La Turquie a arrêté deux députées du principal parti prokurde dans un vaste coup de filet visant ses membres après l'attentat meurtrier d'Istanbul, qui suscite des interrogations sur l'efficacité de la stratégie turque de lutte contre les séparatistes.

Caglar Demirel et Besime Konca ont été arrêtées lundi soir par la police d'Ankara en lien avec "une enquête antiterroriste en cours dans les provinces de Diyarbakir et Batman" dans le sud-est à majorité kurde du pays, selon l'agence progouvernementale Anadolu.

Mme Demirel préside le groupe parlementaire du HDP, deuxième formation de l'opposition.

Ces arrestations sont survenues après un attentat qui a fait 44 morts, pour la plupart des policiers, samedi soir devant un stade de football à Istanbul et qui a été revendiqué par un groupe radical kurde, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Au lendemain de cet attentat, la police a lancé une vague d'arrestations de personnes soupçonnées de liens avec ou de diffuser la propagande du PKK, classé comme organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé mardi que pas moins de 568 personnes ont ainsi été arrêtées depuis lundi.

"C'est la continuité d'une stratégie qui se poursuit à toute allure depuis juillet", explique Natalie Martin, spécialiste de la Turquie à la Nottingham Trent University en faisant allusion aux purges lancées par le pouvoir après le putsch raté contre le président Recep Tayyip Erdogan.

Cette campagne visant les membres du HDP a pour but "de faire taire l'opposition", ajoute-elle.

Besime Konca a été placée sous contrôle judiciaire, avant d'être à nouveau arrêtée dans la soirée alors qu'elle assistait à l'audience devant un tribunal de la seconde députée, à Diyarbakir, selon l'agence de presse Dogan.

Caglar Demirel, elle, a été inculpée mardi soir "d'appartenance à une organisation terroriste armée", d'avoir "produit de la propagande pour une organisation terroriste" et d'avoir pris part à des rassemblements illégaux, selon Anadolu. Elle risque 23 ans de prison.

Début novembre, les coprésidents du parti pro-kurde, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, ainsi qu'une dizaine des députés de la formation avaient été arrêtés et placés en détention préventive dans le cadre d'une enquête "antiterroriste" liée au PKK.

M. Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et qualifie régulièrement ses membres de "terroristes".

- 'C'est la démocratie qui perd' -

Le coprésident du HDP à Diyarbakir, Cabbar Leygara, a affirmé lors d'une conférence de presse mardi que les Kurdes "veulent faire de la politique dans une démocratie en paix".

"A chaque député du HDP qui est arrêté, c'est la démocratie qui perd, c'est la Turquie qui perd", a-t-il ajouté.

Dans un récent rapport sur la Turquie, le groupe de réflexion Soufan basé aux Etats-Unis a estimé que la politique turque qui consiste à combattre à tout prix les milices kurdes émanant du PKK dans le sud-est du pays et, depuis août, dans le nord de la Syrie, pourrait être contreproductive.

"Affaiblir les Kurdes, qui sont l'ennemi le plus efficace de l'Etat islamique en Syrie a comme effet paradoxal de renforcer l'Etat islamique", a affirmé le thinktank.

"Au moment où la Turquie essaye de contrebalancer les menaces posées par le PKK et par l'Etat islamique, elle se trouve de plus en plus comme une cible prioritaire pour les deux", a-t-il ajouté.

Dans une tribune publiée mardi par le journal Hürriyet Daily News, l'éditorialiste Taha Akyol a estimé que la Turquie devrait améliorer son image en Occident pour gagner sa sympathie dans sa lutte contre le PKK.

"Pour faire accepter aux leaders d'opinion, aux universitaires, aux civils et aux responsables gouvernementaux en Occident la réalité que le PKK est un réseaux terroriste, nous devons renforcer l'image de la Turquie en tant qu'Etat démocratique où règne l'Etat de droit", a-t-il écrit.

Le conflit avec les séparatistes kurdes en Turquie a repris l'été dernier après deux ans et demi de trêve. Il a fait plus de 40.000 morts depuis le début de la rébellion kurde, en 1984.

Dans le même temps, l'armée turque a mené lundi soir de nouveaux raids sur des cibles kurdes, dans la région du Zab, où le PKK dispose de bases arrière.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.