Mercredi 14 mai 2025 à 15h13
Ankara, 14 mai 2025 (AFP) — Le gouvernement turc est attendu au tournant après la dissolution du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la fin de la guérilla faisant espérer parmi les Kurdes des mesures légales et constitutionnelles en faveur de leurs droits politiques et culturels.
Mardi, le parti prokurde DEM a réclamé la mise en oeuvre de "mesures de confiance" avant début juin et les fêtes de l'Aïd al-Adha, parmi lesquelles la libération des prisonniers malades et l'amélioration des conditions de détention du fondateur et chef historique du PKK, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.
Les autorités n'ont pas encore répondu sur ce point, mais un projet d'assouplissement des peines de l'ensemble des détenus est en préparation, a affirmé le ministre de la Justice Yilmaz Tunç.
Le texte, qui devrait être soumis au plus tard en juin au parlement, prévoit la libération sous contrôle judiciaire des personnes en détention provisoire pour des faits antérieurs au 31 juillet 2023.
Il envisage également la transformation des peines de prison inférieures à cinq ans en assignation à domicile pour les détenus malades et les femmes avec enfants.
Une source kurde proche du PKK, dans le nord de l'Irak, a indiqué à l'AFP que le parti espère aussi un amendement à la Constitution turque pour garantir des droits spécifiques aux Kurdes.
- Pas d'amnistie générale -
Mais Ankara se garde de lier ces mesures au processus de paix. "Les détenus malades ne devraient pas mourir en prison. (...) Il ne faut pas interpréter ces mesures comme une amnistie générale qui n'est pas à l'ordre du jour", a notamment souligné M. Tunç.
"Il y a près de 10.000 prisonniers politiques dans ce pays. (...) Pour un véritable processus de paix, ils doivent être libérés au plus vite", a insisté Tülay Hatimogullari, coprésidente du DEM, évoquant le cas de l'ex-président de son parti, Selahattin Demirtas, emprisonné depuis 2016.
Selon des observateurs, M. Demirtas, comme le philanthrope Osman Kavala, condamné à la prison à vie pour "tentative de renversement du gouvernement", pourraient être rapidement libérés, comme l'exige en vain la Cour européenne des droits de l'homme.
- Preuves du dépôt des armes -
Mais avant cela, Ankara attendra les preuves que les armes du PKK ont bien été déposées, estimait mardi dans le journal Hürriyet Abdulkadir Selvi, un chroniqueur proche du gouvernement.
"La transformation démocratique démarrera après que le directeur du MIT (les services turcs de renseignement, NDLR) aura soumis un rapport au président Erdogan", affirme-t-il.
Selon les médias turcs, le MIT doit superviser la remise des armes dans des lieux prédéfinis en Turquie, en Irak et en Syrie. Il enregistrera les armes déposées et l'identité des combattants, en coopération avec les autorités syriennes et irakiennes.
"Notre agence de renseignement suivra soigneusement le processus pour vérifier que les promesses sont tenues", a prévenu le président turc.
Les combattants du PKK sont pour la majeure partie repliés depuis une dizaine d'années dans les montagnes du nord de l'Irak.
Ceux qui n'ont pas commis de crimes en Turquie pourraient être autorisés à rentrer, sans condamnation. Mais les cadres du PKK devraient être contraints à l'exil dans des pays tiers, la Norvège ou l'Afrique du Sud, selon des médias turcs.
- Maires destitués -
Un membre du comité exécutif du PKK, Duran Kalkan, a souligné mardi que le renoncement à la lutte armée "ne peut être mis en oeuvre que sous la direction" d'Abdullah Öcalan, une fois que lui seront garanties "des conditions libres de vie et de travail".
De l'avis des experts, le régime carcéral de M. Öcalan, âgé de 76 ans, sera assoupli mais il ne devrait pas quitter l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul, en raison des menaces pesant sur lui.
"Nommer des administrateurs (pour remplacer les maires) deviendra une mesure d'exception (...) après la dissolution de l'organisation terroriste", a encore assuré mercredi le président turc, laissant entendre que les maires kurdes destitués pour leurs liens supposés avec le PKK pourraient retrouver leur poste.
Au total, seize maires de l'opposition DEM et CHP ont été destitués depuis les municipales de mars 2024.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.