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Turquie: l'opposant kurde Demirtas au tribunal dénonce un "procès politique"


Mercredi 12 decembre 2018 à 17h07

Sincan (Turquie), 12 déc 2018 (AFP) — L'opposant kurde Selahattin Demirtas s'est dit mercredi victime d'un "procès politique" lors de sa première apparition au tribunal depuis la décision de la Cour européenne des droits de l'homme demandant sa libération, restée lettre morte.

Le 20 novembre, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a sommé la Turquie de mettre fin "dans les plus brefs délais" à la détention provisoire de M. Demirtas, figure de proue du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), dans le cadre de ce procès.

M. Demirtas est en effet placé en détention provisoire depuis novembre 2016, accusé de diriger une "organisation terroriste", de "propagande terroriste" et "incitation à commettre des crimes".

Il risque jusqu'à 142 ans de prison s'il est reconnu coupable.

Au cours de l'audience, M. Demirtas a dénoncé, selon des propos diffusés sur Twitter par sa défense, ce qu'il considère comme un "procès politique".

"Même à 90 ans, et s'il ne me reste qu'une seule dent, je ne vous demanderai pas ma libération. Parce que ce n'est pas vous qui m'avez mis en détention, et ce n'est pas vous qui me libérerez. Je suis un otage politique et les otages politiques ne peuvent demander à être libérés", a-t-il notamment déclaré.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui accuse régulièrement le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux, avait rejeté la décision de la CEDH, assurant qu'elle n'était pas contraignante pour Ankara.

Comme souvent pour ces audiences, des diplomates étrangers dépêchés par les ambassades à Ankara ont été interdits d'entrée dans la salle d'audience du tribunal du complexe pénitentiaire de Sincan, près d'Ankara, a constaté sur place une journaliste de l'AFP, qui elle aussi n'a pas été autorisée à assister à l'audience.

Le 4 décembre, un tribunal d'Istanbul a confirmé en appel une peine de quatre ans et huit mois infligée à M. Demirtas en septembre pour "propagande terroriste". Cela permet à la Turquie de le maintenir en prison même si elle venait à faire volte-face et obtempérer à la décision de la CEDH, qui ne concernait que sa détention provisoire dans son principal procès.

"Même si une décision de remise en liberté sort d'ici, malheureusement il n'est pas question qu'il soit libéré avant les élections locales (de mars)", a regretté le député allemand Hakan Tas, venu suivre le procès mais interdit d'accès à l'audience.

"C'est une position qui va complètement à l'encontre du droit international", a ajouté cet élu du parti de gauche radicale Die Linke.

La séance s'est terminée en début de soirée et devait reprendre jeudi et vendredi.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.