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Turquie: l'AKP sort renforcé des élections face aux laïcs et à l'armée


Lundi 23 juillet 2007 à 17h16

ANKARA, 23 juil 2007 (AFP) — Les législatives ont sensiblement modifié la donne politique en Turquie avec un parti au pouvoir, issu de la mouvance islamiste, sorti renforcé du scrutin de dimanche face au camp laïc, dont l'armée, et le retour au Parlement des nationalistes et des Kurdes.

La victoire écrasante du Parti de la justice et du développement (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a été saluée lundi par la Bourse d'Istanbul, son indice des valeurs vedettes clôturant sur un record historique à 55.625,44 points.

M. Erdogan a présenté lundi la démission de son gouvernement au président de la République Ahmet Necdet Sezer et devrait, en tant que chef du parti gagnant, être chargé de former la nouvelle équipe, probablement la semaine prochaine après l'annonce des résultats officiels.

Au pouvoir depuis près de cinq ans, l'AKP a obtenu 46,4% des voix, selon des résultats officieux diffusés par l'agence Anatolie.

La performance n'est pas mince. Comme l'a souligné M. Erdogan lui-même, c'est la deuxième fois en 50 ans qu'un parti au pouvoir améliore son score à l'occasion d'un nouveau scrutin.

Avec un tel pourcentage, l'AKP aura 340 députés sur 550, soit nettement plus que la moitié des sièges. Aux législatives de 2002, il avait recueilli 34% des voix (351 députés).

Paradoxalement, le nombre de parlementaires de l'AKP est cette fois moins élevé car une troisième force - Le Parti de l'action nationaliste (MHP) qui affiche des positions très fermes notamment sur l'Union européenne - fait son retour au Parlement où reviennent aussi des députés kurdes (au nombre de 24), sous l'étiquette "indépendant".

L'ambiance au Parlement promet d'ailleurs d'être plus animée, le MHP (14,2% des voix, 71 députés) étant intransigeant sur la question kurde.

Le principal parti d'opposition pro-laïque, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), recueille 20,8% des suffrages à peu près le même score qu'en 2002 (19 %) et aura 112 députés.

Ce scrutin anticipé était censé dénouer la grave crise qui a opposé au printemps M. Erdogan aux partisans de la laïcité, dont l'armée, qui soupçonnent le gouvernement de chercher à islamiser le pays, lorsque le Premier ministre a tenté d'imposer son candidat à la présidentielle.

"L'AKP a réussi à sortir la campagne de l'affrontement dont elle était issue. Erdogan, qui s'est fait réélire comme un président, a fait une campagne ciblée sur M. Tout le monde, axée sur la vie quotidienne et vantant les résultats économiques du gouvernement. L'AKP a bien compris qu'il fallait élargir sa base électorale pour devenir un parti populaire", souligne Jean Marcou chercheur à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul.

"La campagne du CHP sur la laïcité ne tenait pas la route", estime en revanche Ertugrul Günay, un transfuge de ce parti de centre gauche passé à l'AKP.

Les journaux soulignaient aussi que la menace voilée d'une intervention de l'armée dans la crise avait eu un effet boomerang, avec un sursaut "démocratique" des électeurs qui a profité au parti au pouvoir.

Les résultats montrent que l'armée "doit totalement cesser d'intervenir dans la politique", soulignait le quotidien Aksam (populaire) à propos de cette institution, gardienne des valeurs laïques dans un pays à 99% musulman où règne une stricte séparation entre religion et Etat.

Dans une première réaction à sa victoire, M. Erdogan s'est engagé dimanche soir, son épouse voilée à ses côtés à la tribune, à respecter les "principes fondateurs" de la République, dont le premier est la laïcité.

"L'élan en vue de la transformation et du développement (du pays) se poursuivra avec détermination avec le 60ème gouvernement", a-t-il assuré lundi.

Tout en restant prudent, Jean Marcou, prévoit que M. Erdogan ne devrait pas chercher à nouveau l'épreuve de force au Parlement en imposant un candidat à la présidentielle qui ne serait pas un "modéré".

"Pourquoi prendrait-il le risque d'une nouvelle crise, au risque de gâcher sa victoire ?", s'interroge-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.