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Turquie/Kurdes: une médecin arrêtée pour avoir réclamé une enquête sur l'utilisation d'armes chimiques


Mercredi 26 octobre 2022 à 15h28

Istanbul, 26 oct 2022 (AFP) — Une médecin turque qui avait réclamé une "enquête indépendante" sur l'emploi éventuel d'armes chimiques contre les rebelles kurdes du PKK dans le nord de l'Irak a été arrêtée mercredi, au lendemain d'un coup de filet visant onze journalistes de médias prokurdes.

"La présidente de l'Union des médecins de Turquie (...) a été arrêtée le 26/10/2022, accusée de faire la propagande d'une organisation terroriste", a indiqué le bureau du procureur général d'Ankara, réclamant son remplacement immédiat.

Des accusations de recours à des armes chimiques, relayées par des médias prokurdes et des membres de l'opposition turque, étaient apparues la semaine dernière, et les combattants kurdes avaient diffusé une liste de 17 noms, accompagnés de photos de "martyrs" présentés comme ayant été tués par des gaz toxiques dans le nord de l'Irak.

Ankara avait aussitôt dénoncé une campagne de "désinformation".

La présidente de l'Union des médecins de Turquie (TTB), Sebnem Korur Fincanci, avait pour sa part dit avoir "regardé et examiné les images sur les réseaux sociaux" des victimes supposées de "gaz toxiques".

La médecin avait appelé à une "enquête indépendante afin d'établir la responsabilité des Etats qui utilisent ce genre d'armes", toutes interdites, avait-elle rappelé.

Le bureau du procureur général d'Ankara avait aussitôt annoncé l'ouverture d'une enquête à son encontre.

Contactée par l'AFP, Mme Fincanci avait affirmé avoir simplement appelé à une "enquête véritable". "A la place, ils ont ouvert une enquête à mon encontre. Ce n'est pas étonnant. A travers moi, ils intimident la société", avait-elle réagi.

- "intimidation" -

A l'approche des élections présidentielle et législatives prévues en juin 2023, le parlement turc - dominé par le parti AKP du président Recep Tayyip Erdogan - vient d'adopter une loi sur la désinformation.

Le texte punit de jusqu'à trois ans de prison toute personne accusée de propager "des fausses informations", sans préciser cette notion - un nouveau tour de vis contre les voix dissonantes.

Mardi, onze journalistes ont été arrêtés dans des descentes de police dans plusieurs villes du pays, au domicile et dans les bureaux de journalistes de médias prokurdes.

Une manifestation de soutien a réuni mercredi à Diyarbakir, la principale ville kurde du pays (sud-est), plusieurs dizaines de personnes, membres des associations et syndicats de la presse, a constaté l'AFP.

Pour le reporter Bilal Guldem, ces arrestations "visent à intimider les journalistes et l'opposition kurdes. Le dossier est vide et sans fondement".

Mercredi, le parti HDP prokurde, deuxième force d'opposition, a condamné l'arrestation "sous la menace des armes" des onze journalistes "emmenés menottés dans le dos".

"Cette approche inhumaine et agressive de la police (...) est un message à tous les journalistes et employés des médias critiques envers le gouvernement".

"Malheureusement, nous pouvons nous attendre à une hausse de la pression contre les institutions démocratiques représentant l'opposition à l'approche des élections de 2023", ajoute le HDP.

Le ministre turc de la Défense Hulusi Akar a pour sa part de nouveau démenti lundi l'utilisation d'armes chimiques par Ankara: "Il n'y a pas d'armes chimiques dans l'inventaire des forces armées turques", a-t-il assuré.

Ankara dispose depuis 25 ans d'une quarantaine de positions militaires au Kurdistan irakien et y a déclenché plusieurs opérations contre le Parti des travailleurs kurdes (PKK), un groupe qui mène une insurrection contre l'Etat turc depuis 1984 et est classé comme "terroriste" par la Turquie et les Occidentaux.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.