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Turquie: funérailles sous tension après la mort d'un manifestant kurde


Jeudi 21 avril 2011 à 19h11

BISMIL (Turquie), 21 avr 2011 (AFP) — Plusieurs milliers de Kurdes en colère ont assisté jeudi aux funérailles d'un manifestant tué par balle la veille au cours de heurts avec la police dans le sud-est de la Turquie, en ébullition après l'éviction de sept candidats kurdes aux législatives du 12 juin.

Environ 30.000 personnes se sont rassemblées à Bismil, dans la province à majorité kurde de Diyarbakir, pour rendre hommage à Ibrahim Oruç, 21 ans, décédé mercredi après avoir été atteint, selon le rapport d'autopsie, d'une balle dans la poitrine.

Le même jour, le Haut Conseil électoral (YSK) est revenu sur sa décision qui avait déclenché la vague de protestations violentes à travers la Turquie et contre laquelle plusieurs candidats pro-kurdes avaient fait appel.

"Après l'examen de nouveaux documents judiciaires présentés pendant la période de l'appel", le YSK a approuvé six des sept candidats soutenus par les Kurdes, selon un communiqué officiel.

Parmi ceux qui ont finalement reçu le feu vert pour se présenter aux législatives figurent des personnalités historiques de la cause kurde comme la militante Leyla Zana, qui a passé dix ans en prison pour collusion avec la rébellion kurde, avant d'être relâchée en 2004.

Deux membres kurdes du parlement sortant, un homme politique de premier plan actuellement emprisonné et un intellectuel de gauche réputé vont également pouvoir se présenter.

A Bismil, le cercueil enveloppé dans un drapeau aux couleurs rouge-vert-jaune de la rébellion kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a été transporté sur les épaules de porteurs à travers la ville sur près de cinq kilomètres, devant une foule criant "Vengeance! Vengeance!", a constaté un correspondant de l'AFP.

Le cortège était mené par des dirigeants du principal parti représentant la minorité kurde en Turquie, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP).

Les obsèques se sont achevées dans de nouvelles violences, des manifestants kurdes prenant à partie la police avec des jets de pierre et de cocktails Molotov, celle-ci ripostant avec des grenades lacrymogènes et des canons à eau.

Les autorités turques ont ouvert une enquête pour éclaircir les circonstances de la mort du jeune homme, des témoins affirmant que la police avait ouvert le feu sur les manifestants d'abord avec des balles en plastiques, puis à balles réelles.

Des violences ont eu lieu dans plusieurs autres villes, notamment à Batman (sud-est), où un policier et un manifestant ont été blessés par balles, a rapporté l'agence Anatolie.

A Van (est), trois personnes, dont une femme enceinte, ont été hospitalisées après avoir été évacuées d'une banque incendiée par un cocktail Molotov, selon l'agence.

L'annonce lundi par le conseil électoral YSK du rejet de 12 candidatures indépendantes aux législatives, dont celles de sept candidats soutenus par le BDP, a mis le feu aux poudres dans la communauté kurde de Turquie, forte d'environ 15 millions de personnes.

La décision a été perçue par les Kurdes comme une nouvelle vexation alors que le BDP a déjà été contraint de présenter des candidats indépendants pour contourner une règle controversée qui impose à un parti de recueillir au minimum 10% des suffrages exprimés à l'échelle nationale pour obtenir des sièges au parlement.

Le BDP avait menacé de boycotter le scrutin, laissant craindre une aggravation du conflit kurde qui a fait environ 45.000 morts depuis le début de l'insurrection du PKK en 1984.

Le président Abdullah Gül avait appelé l'YSK à résoudre la crise. "Il apparaît que les documents (des candidats éconduits) étaient incomplets. Comme ils les ont maintenant complétés, il ne devrait pas y avoir de problème", avait-il déclaré, cité par Anatolie.

L'agence a également fait état de trois rebelles du PKK tués mercredi soir par l'armée dans une zone rurale de la province de Kahramanmaras (sud).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.