Jeudi 21 avril 2011 à 16h03
BISMIL (Turquie), 21 avr 2011 (AFP) — Plusieurs milliers de Kurdes en colère ont assisté jeudi aux funérailles d'un manifestant tué par balle la veille lors de heurts avec la police dans le sud-est de la Turquie, en ébullition après l'éviction de candidats kurdes aux élections législatives prévues le 12 juin.
Quelque 30.000 personnes s'étaient rassemblées à Bismil, dans la province à majorité kurde de Diyarbakir, pour rendre hommage à Ibrahim Oruç, 21 ans, décédé mercredi après avoir été atteint, selon un rapport d'autopsie, d'une balle dans la poitrine, a constaté un correspondant de l'AFP.
Le cercueil, enveloppé dans un drapeau aux couleurs rouge-vert-jaune de la rébellion kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a été transporté sur les épaules de porteurs à travers la ville durant près de cinq kilomètres, devant une foule criant "Vengeance! Vengeance!".
Le cortège était mené par des dirigeants du principal parti représentant la minorité kurde en Turquie, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP).
Les obsèques se sont achevées dans de nouvelles violences, des manifestants kurdes prenant à partie la police avec des jets de pierre et de cocktails Molotov, celle-ci ripostant avec des grenades lacrymogènes et des canons à eau.
Les autorités turques ont lancé une enquête pour éclaircir les circonstances de la mort du jeune homme, des témoins affirmant que la police avait ouvert le feu sur les manifestants d'abord avec des balles en plastiques, puis à balles réelles.
Des violences ont eu lieu dans plusieurs autres villes, notamment à Batman (sud-est), où un policier et un manifestant ont été blessés par balles, a rapporté l'agence de presse Anatolie.
A Van (est), trois personnes, dont une femme enceinte, ont été hospitalisées après avoir été évacuées d'une banque incendiée par un cocktail Molotov, selon l'agence.
L'annonce lundi par le Haut Conseil électoral (YSK) du rejet de 12 candidatures indépendantes aux législatives du 12 juin, dont celles de sept candidats soutenus par le BDP, a mis le feu aux poudres dans la communauté kurde, forte d'environ 15 millions de personnes.
La décision a été perçue par les Kurdes comme une nouvelle vexation alors que le BDP a déjà été contraint de présenter des candidats indépendants pour contourner une règle controversée imposant de recueillir au minimum 10% des suffrages exprimés à l'échelle nationale pour obtenir des sièges au Parlement.
Les candidats, parmi lesquels figurent des personnalités historiques de la cause kurde comme la militante Leyla Zana, qui a passé dix ans en prison pour collusion avec la rébellion kurde, ont été exclus en raison de leurs antécédents judiciaires.
Le BDP a menacé de boycotter le scrutin, laissant craindre une aggravation du conflit kurde, qui a fait quelque 45.000 morts depuis le début de l'insurrection du PKK en 1984.
Critiqué par la plupart des partis politiques, le YSK a finalement entamé jeudi un réexamen des candidatures rejetées, et les observateurs s'attendaient à ce qu'il revienne sur sa décision.
Le président Abdullah Gül a lui aussi appelé le Conseil à résoudre la crise. "Il apparaît que les documents (des candidats éconduits) étaient incomplets. Comme ils les ont maintenant complétés, il ne devrait pas y avoir de problème", a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse Anatolie.
L'agence Anatolie a également fait état de trois rebelles du PKK tués mercredi soir par l'armée dans une zone rurale de la province de Kahramanmaras (sud).
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.