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Turquie: funérailles sous tension après la mort d'un manifestant kurde


Jeudi 21 avril 2011 à 13h53

DIYARBAKIR (Turquie), 21 avr 2011 (AFP) — Plusieurs milliers de Kurdes ont participé jeudi aux funérailles d'un manifestant tué par balle la veille lors de heurts avec la police dans le sud-est de la Turquie, en ébullition après l'éviction de candidats kurdes aux élections législatives prévues le 12 juin.

Sous la surveillance de centaines de policiers d'unités anti-émeutes, un vaste cortège a suivi dans les rues de Diyarbakir, la principale ville du sud-est, peuplé en majorité de Kurdes, le cercueil d'Ibrahim Oruç, 21 ans selon des sources hospitalières, tué la veille dans la ville voisine de Bismil.

"Vengeance! Vengeance!", ont crié des jeunes manifestants kurdes masqués pendant que les participants du cortège funèbre scandaient des slogans en faveur des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le corps de la victime, transporté à un hôpital de Diyarbakir pour autopsie, devait être enterré à Bismil.

Le rapport d'autopsie, dont l'AFP a obtenu jeudi une copie, a établi que le jeune homme avait été tué par une balle qui a pénétré par son bras gauche et est ressortie par la poitrine.

Le document ne dit pas si la balle a été tiré par la police. Un témoin des affrontements de Bismil, dans la province de Diyarbakir, a toutefois déclaré mercredi à l'AFP que la police avait ouvert le feu sur les manifestants d'abord avec des balles en plastiques, puis à balles réelles.

La communauté kurde de Turquie a multiplié les manifestations et les heurts avec la police depuis l'annonce lundi par le Haut Conseil électoral (YSK) du rejet de 12 candidatures indépendantes aux législatives, prévues le 12 juin.

Les candidats, parmi lesquels figurent sept personnalités soutenues par le principal parti pro-kurde, le Parti pour une société démocratique (BDP), ont été exclus en raison de leurs antécédents judiciaires.

Le BDP a menacé de boycotter le scrutin, laissant craindre une aggravation du conflit kurde, qui a fait quelque 45.000 morts depuis le début de l'insurrection du PKK en 1984.

Critiqué par la plupart des partis politiques, le YSK a finalement entamé jeudi un réexamen des candidatures rejetées, et les observateurs s'attendaient à ce qu'il revienne sur sa décision.

Le président Abdullah Gül a lui aussi appelé le Conseil à résoudre la crise. "Il apparaît que les documents (des candidats éconduits) étaient incomplets. Comme ils les ont maintenant complétés, il ne devrait pas y avoir de problème", a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse Anatolie.

Parmi les candidats évincés figurent des personnalités historiques de la cause kurde, comme la célèbre militante Leyla Zana qui a passé dix ans en prison pour collusion avec la rébellion kurde, et deux membres du Parlement sortant.

Pour obtenir un siège au parlement, un parti doit recueillir au minimum 10% des suffrages exprimés à l'échelle nationale, une règle controversée que les partis pro-kurdes contournent en présentant des candidats indépendants.

Les heurts à Diyarbakir se sont conclus par l'arrestation de près de 160 manifestants, et la saisie de 70 cocktails Molotov et de 50 petites bombes artisanales, a indiqué Anatolie.

A Istanbul, deux bombes artisanales ont par ailleurs explosé tôt jeudi sans faire de victimes devant un maison et devant un local du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir, accusé par les Kurdes d'être à l'origine de la décision du YSK, selon Anatolie.

L'agence a également fait état de trois rebelles du PKK tués mercredi soir par l'armée dans une zone rurale de la province de Kahramanmaras (sud).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.