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Turquie: Erdogan, l'indéboulonnable


Lundi 15 mai 2023 à 17h13

Istanbul, 15 mai 2023 (AFP) — Après deux décennies à la tête de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan semblait menacé par la crise économique et l'usure du pouvoir. Pourtant, le "Reis" sort en tête du premier tour de son troisième scrutin présidentiel à rebours des prédictions.

Les bras levés, saluant avec son épouse une foule de partisans enthousiastes depuis le balcon de son parti, à Ankara, le chef de l'Etat envoie dans la nuit de dimanche à lundi un signal clair à son pays: celui de la stabilité.

Contrairement à 2014 et 2018, il n'a pas remporté la bataille dès le premier tour, mais il aborde le second, prévu le 28 mai, en position de force.

Jusqu'alors, ni un séjour en prison, ni des manifestations monstres, ni même une sanglante tentative de putsch en 2016 n'ont enrayé la marche du président, confronté pourtant cette année à de vives critiques sur l'état de l'économie turque et à la colère des rescapés du séisme, livrés à eux-mêmes dans les premiers jours suivant la catastrophe.

Les résultats du premier tour l'ont montré: ce musulman dévot, chantre des valeurs familiales, demeure le champion d'une majorité conservatrice longtemps dédaignée par une élite urbaine et laïque.

Le "Reis, qui a profondément transformé son pays en bâtissant autoroutes, aéroports et mosquées, a aussi conduit une politique étrangère affirmée en direction de l'Orient et de l'Asie centrale, quitte à se brouiller avec les Occidentaux.

La guerre en Ukraine lui a toutefois permis de se replacer au centre du jeu diplomatique, grâce à ses efforts de médiation entre Kiev et Moscou.

Ses détracteurs, surtout occidentaux, continuent de s'inquiéter de sa dérive autocratique, en particulier depuis les purges massives conduites après la tentative de putsch et la révision constitutionnelle de 2017, qui a élargi considérablement ses pouvoirs.

- Animal politique -

Souvent dépeint en sultan indétrônable, qui s'est fait bâtir un palais de plus de 1.100 pièces sur une colline boisée protégée d'Ankara, continue de se poser en homme du peuple face aux "élites".

C'est fort de cette posture qu'il a remporté toutes les élections depuis l'arrivée au pouvoir de son parti, l'AKP, en 2002. Jusqu'à ce que l'opposition le prive en 2015 de sa majorité parlementaire et, surtout, qu'elle ne ravisse en 2019 les municipalités d'Istanbul et d'Ankara, un revers cinglant.

Malgré une démarche parfois ralentie, cet animal politique à la haute stature a continué d'enchaîner les meetings, déployant ses qualités de tribun, puisant dans les poèmes nationalistes et le Coran autant que dans l'invective pour galvaniser les foules.

Né dans le quartier populaire de Kasimpasa, à Istanbul, M. Erdogan a envisagé une carrière dans le football avant de se lancer en politique.

Il apprend les ficelles au sein de la mouvance islamiste de l'ex-Premier ministre Necmettin Erbakan, avant d'être propulsé sur le devant de la scène en devenant maire d'Istanbul en 1994.

En 1998, il est emprisonné pour avoir récité un poème religieux, un épisode qui ne fera que renforcer son aura.

L'AKP, le parti de la justice et du développement qu'il a cofondé, remporte les élections en 2002 et, l'année suivante, il devient Premier ministre, fonction qu'il occupera jusqu'en 2014, lorsqu'il devient le premier président turc élu au suffrage universel direct.

La nuit du 15 au 16 juillet 2016, il affronte sa pire épreuve: une tentative de coup d'Etat, qu'il a attribué à son allié, le prédicateur musulman Fethullah Gülen. Son retour triomphal au petit jour sur l'ancien aéroport Atatürk d'Istanbul marque la défaite des putschistes.

Marié et père de quatre enfants, M. Erdogan continue d'être vu par ses partisans comme le seul capable de tenir tête à l'Occident et de traverser sans tanguer les crises régionales et internationales.

Pour affirmer davantage encore son emprise sur son pays, il cherchera à être réélu le 28 mai, dix ans jour pour jour après le début des manifestations dites de Gezi, qu'il avait brutalement réprimées.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.