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Turquie : enquête judiciaire contre les signataires d'une pétition pour la paix qui irrite Erdogan


Jeudi 14 janvier 2016 à 17h43

Ankara, 14 jan 2016 (AFP) — La justice turque a ouvert jeudi une enquête contre les signataires, pour la plupart des universitaires turcs, d'une pétition réclamant la fin des combats dans le sud-est de la Turquie, qui a provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan.

L'instruction a été ouverte par un procureur d'Istanbul pour des faits de "propagande terroriste", d'"incitation à violer la loi" ou encore d'"insulte aux institutions et à la République turque", a fait savoir l'agence de presse Anatolie.

Près de 1.200 intellectuels ont signé lundi une "initiative des universitaires pour la paix" réclamant la fin de l'intervention des forces de sécurité turques dans le sud-est à majorité kurde du pays. La région est en proie à des combats meurtriers entre l'armée et les partisans des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Dans ce texte intitulé "nous ne serons pas associés à ce crime", les signataires dénoncent "un massacre délibéré et planifié en totale violation des lois turques et des traités internationaux signés par la Turquie".

La pétition a été signée par des intellectuels turcs et aussi étrangers, comme le linguiste américain Noam Chomsky.

L'enquête judiciaire vise l'intégralité des 1.128 personnalités turques qui ont apposé leur nom au bas de la pétition, a précisé l'agence de presse Dogan. Ils risquent des peines de un à cinq ans d'emprisonnement.

Très en colère, M. Erdogan les a accusés jeudi de constituer une "cinquième colonne".

"Cette horde d'universitaires s'est clairement rangée dans le camp de l'organisation terroriste (le PKK, ndlr) et a craché sa haine sur le peuple turc", s'est-il emporté lors d'un discours à Ankara. "Ces soi-disant intellectuels (...) sont de sombres individus qui n'ont aucun respect de leur patrie", a insisté l'homme fort de la Turquie.

Sur le même ton, son Premier ministre Ahmet Davutoglu a jugé jeudi "vraiment très triste que certains de nos intellectuels (aient) signé une telle déclaration alors que nous sommes en train de lutter contre le terrorisme".

"Lui-même intellectuel, le Premier ministre turc ne reconnaît apparemment pas le droit à la libre expression et la liberté universitaire", a déploré la représentante de l'ONG Human Rights Watch Emma Sinclair Webb sur Twitter.

L'université de Düzce (nord-ouest) a décidé de licencier un de ses professeurs de sociologie, Latife Akyüz, qui avait signé la pétition, selon l'agence de presse Dogan. Un procureur local a délivré un mandat d'arrêt contre elle.

L'armée et la police turques ont investi il y a un mois les villes sous couvre-feu de Cizre et de Silopi (sud-est) pour en déloger des partisans du PKK. Les combats y ont provoqué la mort de nombreux civils et l'exode d'une partie de la population.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.